Chaque jour aller plus loin, à chaque discours taper plus fort. Dans sa quête éperdue des électeurs du Front national, Nicolas Sarkozy, qui ne part pas favori face à François Hollande, ne fait plus dans la dentelle. Et en est conduit à faire des affirmations qui seraient apparues incongrues avant le premier tour. "D'accord avec le Front national, il n'y en aura pas. De ministres du Front national, il n'y en aura pas", a-t-il affirmé, interrogé sur France Info mercredi 25 avril.
Convaincu qu'il n'a plus rien à perdre, il chasse à gros calibre sur les terres de Marine Le Pen, en consacrant la majeure partie de ses propos largement improvisés aux thématiques favorites des frontistes: islam, immigration, attaque des médias. Une stratégie qu'il assume parfaitement. "Ils ont émis une souffrance et il faudrait qu'on leur reproche de souffrir ? Ils ont émis un vote et il faudrait qu'on leur reproche ce vote ? C'est à nous de les entendre, c'est à nous de les respecter, c'est à nous de les considérer", a-t-il lancé mardi, lors d'un meeting à Longjumeau (Essonne), la ville de sa porte-parole Nathalie Kosciusko-Morizet.
Auparavant, devant la presse, il avait expliqué : "On ne peut pas faire la campagne du 2e tour comme au 1er tour. Il faut comprendre le vote FN." Selon lui, ce dernier n'est "pas répréhensible" et "si Marine Le Pen a le droit de se présenter c'est qu'elle est compatible avec la République". Jamais auparavant, il n'avait été aussi loin dans la reconnaissance du vote lepéniste et dans le martèlement des fondamentaux de la candidate d'extrême droite. Florilège.
L'ISLAM
Sur ce thème, Nicolas Sarkozy a apporté une nouveauté à son discours en parlant de "toutes ces horreurs, l'excision, nous n'en voulons pas sur le territoire de la République". "Ce ne sont pas des pratiques culturelles, ce sont des pratiques qui martyrisent les femmes, c'est inacceptable." Sans jamais citer l'islam, le candidat de la droite s'attaque systématiquement à certains de ses aspects, au grand bonheur des militants UMP. "Je n'accepte pas qu'on enferme des femmes dans des prisons de tissus", a-t-il déclaré, en évoquant la loi interdisant le port de la burqa dans les espaces publics. "M. Hollande n'a pas participé au vote", a-t-il noté en provoquant les huées de la salle.
Autres classiques des meetings sarkozystes, les horaires de piscine différenciés entre les hommes et les femmes à Lille, ville de Martine Aubry, les femmes musulmanes qui refusent de se faire soigner par des médecins hommes dans les hôpitaux, et la viande halal. "Dans les cantines, nous voulons les mêmes menus pour tous les enfants", martèle-t-il jour après jour.
L'IMMIGRATION
Ce thème, déjà très présent avant le premier tour, a pris depuis dimanche une place majeure dans les discours de M.Sarkozy. Et il fait un tabac dans les salles UMP. Pour lui, il n'y a pas de sujets "tabous". Interrogé sur la préférence nationale prônée par Mme Le Pen, il a expliqué mardi : "Je suis pour la préférence communautaire, mais je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas être pour la préférence nationale." "Cela ne peut plus durer, s'est-il ensuite exaspéré à Longjumeau. A force d'accueillir trop de monde sur notre territoire, notre système d'intégration ne fonctionne plus."
Et le candidat d'égrener toutes les mesures qu'il propose pour arriver à son but de diviser l'immigration légale par deux, notamment en obligeant l'apprentissage du français à tous les candidats au regroupement familial. Comme à chacun de ses meetings, il prend l'exemple d'"une femme claquemurée chez elle qui ne parlerait pas un mot de français. Quelle image l'enfant aura-t-il de sa mère, de l'autorité parentale ?"
Autre succès garanti chez les militants UMP, la question du droit de vote des immigrés aux élections locales promis par François Hollande. "Les socialistes n'ont plus le vote populaire, ils veulent le vote communautaire!" s'est-il enflammé. M.Sarkozy n'a pas manqué d'assimiler les étrangers à des fraudeurs ou des profiteurs en puissance, promettant l'instauration d'une "carte vitale biométrique" et de conditionner l'obtention du RSA et du minimum vieillesse à dix ans de présence minimum sur le territoire.
LES MÉDIAS
Haro sur les sondeurs et la presse, c'est le nouveau credo de Nicolas Sarkozy depuis mardi 17avril, où, s'estimant maltraité par France Inter, il s'est déchaîné contre les médias. Profondément agacé par les règles sur l'égalité des temps de parole, qu'il n'avait guère anticipées, il s'en est également pris à cette règle qui le plaçait "seul contre neuf": "Ça c'est l'égalité, c'est ce qu'ils appellent l'équité."
Sa nouvelle cible à Longjumeau, "ces braves sondeurs". "Et dire qu'il y a encore des journaux qui achètent leurs études", s'est-il agacé, oubliant un peu vite que l'Elysée comme l'UMP sont des gros consommateurs de sondages. Et d'assurer, à tort, que certains "commentateurs" avaient pronostiqué son absence au second tour de la présidentielle.
Quand il s'en prend à la presse qui serait forcément contre lui, M.Sarkozy reprend la logorrhée lepéniste, parlant "de tous les observateurs, de tous les spécialistes, on se demande bien de quoi (...) des girouettes qui changent encore plus vite que le vent". Parfois, il désigne simplement les médias par "ils", "eux".
"Ils n'en avaient que pour Mélenchon, matin, midi et soir. Mon Dieu, quel talent, mon Dieu, quelle vision, mon Dieu, quel intérêt!" s'est-il notamment gaussé en provoquant les rires de la salle.
25/4/2012, Vanessa Schneider
Source : Le Monde