dimanche 24 novembre 2024 06:06

La proposition franco-allemande sur Schengen «sent très mauvais»

Dans une interview à l’hebdomadaire allemande Der Spiegel, Jean Asselborn, ministre des affaires étrangères du Luxembourg, critique la proposition des ministres de l’intérieur français et allemand de renforcement des contrôles aux frontières internes de l’espace de Schengen.

Ci-joint le texte intégral:

- Le ministre de l’intérieur allemand et son homologue français veulent réintroduire les contrôles frontaliers dans certains cas. Le proposition a-t-elle une chance d’être acceptée en Europe ?

- Jean Asselborn: J’espère que non. Le monde entier nous envie pour notre arrangement sur les frontières ouvertes qui a été lancé par l’accord signé dans le village luxembourgeois de Schengen. Pour les citoyens de l’Europe, c’est la réalisation la plus importante dans l’histoire de l’Union européenne. Ce serait dramatique, pour l’économie également, si des grands pays comme l’Allemagne et la France pouvait fermer unilatéralement leurs frontières et donc dévaluer l’accord de Schengen.

- La Grèce n’est pas capable de contrôler ses frontières. L’inquiétude exprimée par Berlin et Paris n’est-elle pas justifiée ?

- C’est vrai que 90 % des réfugiés arrivent par la Grèce. mais l’Union européenne est un club de solidarité. C’est pourquoi, nous devons aider les Grecs à maîtriser leur problème de frontière au lieu de se reposer sur des solutions nationales.

- Dans leur lettre à la présidence danoise de l’UE, les deux ministres de l’intérieur font seulement référence à des contrôles de frontières temporaires en dernier recours. Les réactions d’indignation ne sont-elles pas exagérées ?

- Les contrôles de frontières n’aident pas à maitriser le problème des réfugiés. Quand la France a fait la même proposition l’année dernière, l’Allemagne s’y était opposé. Maintenant, elle soutient ce populisme. Le moment choisi pour ce débat sent très mauvais.

- Que voulez-vous dire ?

- Ce n’est pas un hasard si cette lettre a été rendue publique en pleine campane électorale pour l’élection présidentielle française. La lettre flatte l’idéologie d’extrême droite. Cela sert l’objectif du Président français Nicolas Sarkozy de courtiser les électeurs du Front national.

- L’euro est en crise et l’accord sur les frontières ouvertes est remis en question. L’Union européenne risque-t-elle d’éclater ?

- L’Union européenne est très résistante. Mais j’observe avec inquiétude la façon dont les forces centrifuges populistes se renforcent en Europe. C’était également un gouvernement conservateur qui a réintroduit temporairement les contrôles aux frontières l’année dernière au Danemark. Ils n’ont pas été abolis jusqu’à la victoire des sociaux-démocrates danois aux élections. Si François Hollande gagne l’élection, il mettra rapidement fin au débat sur Schengen.

N. B. La présidence danoise de l’UE n’a pas encore inscrit le texte franco-allemand à l’ordre du jour de la réunion des ministre de l’intérieur de l’UE, prévue jeudi au Luxembourg. Plusieurs pays y sont réticents. À Berlin même, le calendrier de ce texte d’inspiration française et la signature de Hans-Peter Friedrich, ministre de l’intérieur allemand et pilier de la CSU bavaroise, ont suscité des remous à l’intérieur de la coalition.

24 avril 2012, François d'Alançon

Source : La Croix

Google+ Google+