C'est une vieille proposition du PS, que François Hollande avait promis de tenir: accorder le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant en France légalement depuis cinq ans. Mais quand l'extrême droite recueille près de 18% au premier tour, elle pourrait être plus hasardeuse à formuler. Cela pourrait effrayer une partie de cet électorat… C'est pourquoi depuis dimanche, les responsables de l'UMP sont montés au créneau pour interpeller les socialistes. «Ils n'assument pas leurs positions idéologiques, comme le droit de vote des étrangers», a assuré par exemple le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé. Depuis le premier tour, le candidat socialiste n'en avait effectivement pas reparlé.
Mardi, sur l'instance de la presse, François Hollande a finalement répondu: «Tout ce que j'ai dit dans mon projet et dans mes 60 engagements, ça sera fait dans le quinquennat.» Il a persisté mercredi matin en évoquant la possibilité de faire passer cette réforme en 2013, soit avant les élections locales de 2014. Mais «il n'y a pas d'échéance particulière», a-t-il précisé.
«Pas la proposition numéro 1 de Hollande»
La proposition laisse pourtant sceptiques certains socialistes. «Ça n'a jamais été notre priorité», avait assuré Ségolène Royal, lundi soir en débat face à la porte-parole de Nicolas Sarkozy, Nathalie Kosciusko-Morizet, qui l'interrogeait sur le sujet. La présidente de Poitou-Charentes a toujours douté de l'opportunité de cette promesse. D'autres sont plus nuancés dans leur approche. «Le droit de vote n'est pas un sujet embarrassant, explique un membre de la direction du PS. Mais il n'est pas question de dire que c'est la proposition numéro un d'Hollande.» L'essentiel reste toujours de parler de la crise et de l'emploi.
L'UMP a poursuivi son offensive mardi dans la journée. «Les masques doivent tomber», a réclamé l'un des secrétaires nationaux du parti présidentiel, Bruno Beschizza. François Hollande a donc précisé son calendrier, en marge de son déplacement à Laon. Ségolène Royal «a dit que ce n'était pas une priorité au sens immédiat, ce n'est pas la première mesure que nous allons prendre. Mais je ne distingue aucune mesure, j'ai donné un calendrier de ce que je ferai au tout début: l'exemplarité de l'État, le pouvoir d'achat accordé aux familles, des réformes que nous devons engager tout de suite pour redresser nos comptes publics, nos industries. Et puis aussi réviser nos institutions, ça viendra en son temps», a-t-il expliqué. La révision des institutions figure bien, mais en dernière place, dans le programme des réformes de la première année présenté au début du mois avril. La mention «droit de vote» est écrite sans plus de précision.
«Sortir du communautarisme»
Dans son entourage, on jure donc que le candidat ne reviendra pas sur cet engagement. Accorder le droit de vote, «c'est sortir un certain nombre de gens du communautarisme» et les faire entrer «dans la citoyenneté», explique Stéphane Le Foll, l'un des lieutenants de François Hollande. «Il ne faut se dérober sur rien», assure le secrétaire national Razzy Hammadi. «Ceux qui votent FN le font parce qu'ils vivent mal. Mais une grande majorité d'entre eux ne pensent pas que ce soit à cause des immigrés», estime-t-il. Pour résumer: en rabattre sur les droits des immigrés ne ferait pas baisser le FN. Et cette proposition étant l'une des plus populaires dans le cœur de l'électorat de gauche, il est difficile de l'abandonner pour le candidat socialiste.
Mais au PS, certains estiment qu'accorder le droit de vote aux étrangers n'est désormais plus la revendication première des intéressés. Cette proposition symbolique date de trente ans! Aujourd'hui, dans les quartiers populaires, les attentes des populations immigrées sont d'une autre nature. Elles ne veulent pas «d'une distinction de plus», estime-t-on.
Quoi qu'il en soit, on refuse au PS de laisser Nicolas Sarkozy emporter la présidentielle sur ce terrain-là. «Il pense que c'est un terrain plus favorable», déplore un membre de la direction. Lundi à Lorient, François Hollande s'en est offusqué. «Je ne séduis pas ces électeurs (du FN) par je ne sais quelle surenchère. Je laisse cela à d'autres. Moi je ne ferai pas de l'immigré, de l'étranger, la question qui nous séparera dans l'élection présidentielle.» Jusqu'au bout, il veut incarner le rassemblement.
24/4/2012, Nicolas Barotte
Source : Le Figaro