La crise crée assurément des incertitudes. Celle frappant de plein fouet l'Italie affecte sans distinction tout autant ses citoyens que ceux d'autres pays qui y sont établis. Les travailleurs marocains en pâtissent également et, pour un certain nombre d'entre eux, en sont venus à perdre leur emploi.
Le phénomène est cependant général. Depuis 2004, jamais le taux de chômage en Italie n'a atteint une proportion aussi élevée que celle enregistrée depuis le début de l'année (près de 9,3 pc de la population active) ni affecté aussi lourdement la catégorie des 15-24 ans (près de 32 pc).
Durant les deux dernières années, ce sont pas moins de 13 pc des travailleurs marocains en Italie à avoir décidé de rentrer au pays sous l'effet de la crise, selon l'Association nationale outre frontières (Anolf) présidée par le Marocain Mohammed Saadi.
Selon plusieurs sources associatives, le taux de chômage au sein de la communauté immigrée, formée pour près de 550.000 de ressortissants marocains, atteindrait actuellement quelque 13,5 pc.
Les Marocains rentrés au pays l'ont fait en grande partie de façon temporaire en attendant une amélioration de la situation du marché du travail en Italie, a expliqué le président de l'Anolf, une organisation où sont représentés des immigrés de différentes nationalités.
Dans certaines familles deux, voire trois, membres se sont retrouvés en même temps sans emploi ce qui les a acculé à puiser sur l'épargne qu'ils ont pu réaliser durant des années de dur labeur, a-t-il indiqué à la MAP en détaillant les retombées de la crise sur les conditions des travailleurs marocains en Italie et de leurs familles.
Selon Saadi, qui est également président régional d'Anolf en Campanie (sud) et responsable au sein du Conseil national italien de l'économie et du travail (CNEL), 3 à 4 pc des Marocains ayant choisi de retourner au pays ont décidé de s'y installer définitivement et d'y lancer leurs propres affaires, encouragés en cela par le dynamisme économique que connait le Royaume.
D'autres parmi eux ont opté pour une troisième solution qui consiste à faire rentrer les membres de leurs familles, notamment leurs épouses sans emploi et les enfants en bas âge, et de demeurer seuls en Italie ou en compagnie d'enfants majeurs dans l'espoir de trouver un emploi autre que celui qu'ils occupaient.
Libérés de certaines dépenses grevant leur budget (loyers, frais de scolarité ), cette catégorie a opté en fait pour la mobilité interne, notamment vers le sud du pays où le coût de la vie est moins élevé et où la possibilité de trouver un autre travail, même moins qualifié et souvent précaire, est plus grande.
Cette mobilité interne, a fait remarquer M. Saadi, montre que le flux migratoire dans la Péninsule a changé de direction.
Durant les années 80 et 90, les immigrés se déplaçaient du sud vers le nord de la Péninsule à la recherche d'un emploi alors que maintenant c'est l'inverse qui se produit, a-t-il fait remarquer. Chacun s'arrange comme il peut, a-t-il commenté.
Même si ses membres sont installés un peu partout sur le territoire italien, la communauté marocaine en Italie est, jusqu'à présent, essentiellement implantée au nord du pays où l'activité économique offre de meilleures opportunités d'emploi et permet, le cas échéant, la reconversion dans des métiers complètement différents de ceux exercés initialement par les intéressés.
Selon l'Institut italien des statistiques (Istat), les secteurs à forte présence marocaine en Italie sont, pour les hommes, le bâtiment, l'agriculture et le commerce et, pour les femmes, l'hôtellerie, la restauration, la santé, le textile, le nettoyage et les travaux ménagers.
Outre la perte d'emploi du fait de la crise qui sévit dans le pays, le président d'Anolf, qui est en charge de l'intégration des immigrés (information, orientation et accompagnement), cite un problème lié à la législation italienne en matière de travail.
Pour pouvoir bénéficier des indemnités de chômage, du reste dérisoires, accordés aux travailleurs qui ont perdu leur emploi après l'avoir occupé de manière régulière durant au moins deux années, ceux-ci, a-t-il expliqué, disposent d'un délai maximum de six mois pour trouver un nouveau emploi. Une fois ce délai écoulé, les chômeurs perdent leurs droits aux aides, a-t-il indiqué.
Plusieurs organismes, syndicats et associations dont l'Anolf, relevant de la Confédération italienne des syndicats de travailleurs (Cisl), le deuxième plus important syndicat italien regroupant 53.000 Marocains, mènent actuellement des discussions avec le gouvernement italien pour porter ce délai à un an, a affirmé le responsable associatif.
Cette situation difficile et parfois dramatique, qui a poussé par le passé plusieurs étrangers à des actes désespérés (immolations par le feu notamment pour attirer l'attention sur leur cas) est vécue de la même manière par toutes les communautés étrangères, a-t-il signalé.
La crise a eu cependant un mérite, à savoir rapprocher les membres des communautés étrangères qui font preuve de beaucoup plus de solidarité, a-t-il fait remarquer.
Selon lui, un phénomène d'''éthnisation'' du marché du travail est de plus en plus visible, ce qui permet une meilleure entraide au niveau économique mais aussi social (information sur les opportunités de travail, co-location ).
2/5/2012, Amina Benlahsen
Source : MAP