Nicolas Sarkozy en a peut-être fait trop lors du débat qui l'opposait à François Hollande mercredi soir. En effet, le président sortant a brandi une lettre publique du candidat socialiste à l'association France terre d'asile pour affirmer que son rival voulait supprimer les centres de rétention administrative. Une dangereuse manipulation pour Pierre Henry, le directeur général de France terre d’asile.
Mensonge ! Manipulation ! Nicolas Sarkozy eut beau être à l’attaque, la tartufferie et les salades étaient pourtant bien siennes mercredi soir lors du débat d’entre-deux tours tant attendu. Le président sortant s’est même pris pour Lagardère et, croyant copier sa botte secrète, sortit de sa manche une fameuse lettre cachée, celle-là même qui servit d’argument à Brice Hortefeux opposé à Manuel Valls quelques jours auparavant.
C’est qu’en matière d’immigration l’UMP, dans sa tentation de réussir son hold-up des voix du FN, a fini par adopter une méthode des plus contestables : la déformation de la vérité ou le mensonge. Non, François Hollande n’a jamais proposé, dans cette fameuse lettre brandie sur les plateaux, d’en finir avec les centres de rétention.
Le candidat socialiste a répondu, comme Nicolas Sarkozy l’a fait, au mémorandum proposé par France terre d’asile "Pour une autre politique de l’asile et de l’immigration" (pour le lire, cliquez ici). Si notre organisation y avance 31 propositions pour une politique digne et d’intérêts partagés, la suppression des centres de rétention n’en fait aucunement partie.
François Hollande rappelle un principe fondamental dans une démocratie
En revanche, quand François Hollande nous confirme ce qui aujourd’hui passe en boucle, à savoir que "la rétention doit demeurer l’exception", il ne fait que rappeler un principe fondamental dans une démocratie : l’Etat doit garantir la liberté de tout individu et toute mesure de privation de liberté doit rester l’exception.
Ce principe est inscrit dans l’ADN de notre République depuis la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Cela, Nicolas Sarkozy, ancien avocat, ancien ministre de l’Intérieur et donc garant des libertés publiques, président de la République depuis 2007 et donc garant de la Constitution, ne peut l’ignorer.
Développer des alternatives à la rétention
Tout comme il ne peut ignorer que les 27 centres de rétention métropolitains ne concernent pas les étrangers qui demandent un titre de séjour mais ceux qui doivent être reconduits à la frontière. Et que seuls 40 % des 33.000 étrangers placés en rétention en 2010 ont été finalement éloignés du territoire à un coût exorbitant ! Ce qui signifie que des milliers d’étrangers ont fait la douloureuse expérience de l’enfermement, pouvant aller jusqu’à 45 jours, pour rien !
François Hollande n’a pas répété autre chose en plateau que les positions qu’il nous a exprimées : il souhaite développer des alternatives à la rétention comme l’assignation à résidence, conformément aux recommandations européennes. La Directive retour de décembre 2008 précise en effet que des mesures moins coercitives doivent être recherchées en priorité.
Opposition au placement d'enfants en centre de rétention
Le candidat socialiste a de la même manière clairement manifesté dans sa lettre à France terre d‘asile, tout comme à Nicolas Sarkozy et aux millions de Français présents devant leurs écrans, sa volonté de s’opposer au placement d’enfants en centre de rétention. Et cette résolution, avant même d’être une réponse à la Cour européenne des droits de l’homme qui condamna la France pour ces faits en janvier 2012, est aussi la seule réplique humaniste qui vaille pour en finir avec une pratique digne d’un autre siècle : celui de l’enfermement des enfants.
Alors, quand d’instrumentalisations en caricatures, le candidat sortant dresse les Français les uns contre les autres, bafoue les règles européennes, abaisse le débat public, il est temps de changer de direction ! La France et les Français ont plus que jamais besoin d’une vision responsable et apaisée de l’immigration, d’un projet d’intérêts partagés et de rassemblement. C’est celui que nous offre aujourd’hui François Hollande.
03-05-2012 , Pierre Henry DG de France terre d'asile
Source : Le Nouvel Observateur