Ratifié l’année dernière, le traité organisant le retour des Marocains condamnés en Belgique dans leur pays d'origine est bel et bien entré en vigueur. Le Royaume vient d’accepter six dossiers d’extradition sur les 10 qui lui ont été transmis dans ce cadre par Bruxelles. En effet, depuis la ratification de l’accord conclu entre les deux pays et permettant de renvoyer, même contre leur gré, des détenus marocains vers leur pays d’origine pour y purger leur peine, aucune extradition n'avait eu lieu.
Selon certaines sources belges, 13 dossiers ont été adressés au Maroc l'an dernier. Le contexte politique ne s’y prêtant pas à cause des élections législatives organisées fin novembre 2011, le gouvernement n’a pas jugé opportun de trancher dans l’immédiat. Une position qui a été fortement critiquée dans le Plat Pays.
Il convient de rappeler qu’un premier protocole avait été déjà signé entre le Maroc et la Belgique en 1997, permettant aux détenus qui en expriment le désir, de purger leur peine au Maroc. Mais à ce jour, seule une dizaine de détenus marocains en ont fait la demande.
Mais aujourd’hui, près de 190 détenus de nationalité marocaine sur un total de 1.200 incarcérés dans des prisons belges, seront concernés par ces extraditions, et ce sans leur consentement.
Une disposition qui a mis en colère plus d’un, notamment les Marocains résidant en Belgique et certaines associations de défense des droits de l’Homme. Pour eux, la convention d’extradition ne fait que consolider la double peine et l’inégalité entre les citoyens belges d’origine et ceux de souche.
Ces sources estiment que si la Constitution belge proclame l’égalité de tous devant la loi, il y a une exception pour les Belges d’origine marocaine puisque ces derniers, notamment ceux qui ont la double nationalité, risquent à présent et à tout moment d’être extradés vers le Maroc, s’ils ont commis une infraction punissable d’une peine de prison de plus de deux ans.
Les protestataires dénoncent également ce traité qui est qualifié de « stigmatisant » puisque les seuls Belges d’origine marocaine sont concernés.
Ils se demandent même si leur pays d’accueil n’est pas arrivé à l’ère de l’exportation des « indésirables » et s’il n’est pas rationnel de permettre à un condamné de purger sa peine dans le pays où il a commis son forfait.
De son côté, l’ancien ministre belge de la Justice, Stefaan De Clerck, a indiqué que quelques dizaines de prisonniers seulement seront concernés. En effet, le traité prévoit toute une série d'exceptions à ces transferts. Pour n'en citer que quelques-unes, un condamné marié à une personne de nationalité belge ne pourra pas être renvoyé vers une prison marocaine. Pareil pour un condamné installé en Belgique alors qu'il avait moins de 12 ans, ou qui bénéficierait d'un statut de réfugié. Aux personnes qui opposent au ministre l'état déplorable des prisons marocaines, M. De Clerck a répondu que la situation n’est pas plus réjouissante dans certaines prisons belges en raison de leur surpopulation.
A ce propos, il a précisé que la Belgique compte en moyenne 42 % d’étrangers dans ses prisons, soit 4.451, que sur ces cinq dernières années, seuls 212 détenus étrangers ont introduit une demande en vue de purger leur peine dans leur pays d’origine et que seulement 51 d’entre eux ont été transférés.
En cinq ans, il n’y a ainsi eu que deux départs volontaires vers la Bulgarie, un vers l’Italie, un vers l’Allemagne, trois vers le Royaume-Uni, deux vers la Lituanie, deux vers l’Espagne, un vers la Norvège, un au Portugal, un autre vers le Danemark, deux vers la Turquie, neuf vers la France et 26 vers les Pays-Bas.
5 Mai 2012, Hassan Bentaleb
Source : Libération