La Compagnie «Des voyageurs sans bagage» présente, le 10 mai au Théâtre national Mohammed V, sa pièce «La vie c’est comme un arbre». La pièce rend hommage aux premiers immigrants en rappelant que c’était des gens comme nous.
Après le succès éclatant remporté en Belgique, la Compagnie «Des voyageurs sans bagage» décide de se produire au Maroc, pays où ont pris naissance les péripéties de cette comédie théâtrale. Un projet que ses initiateurs ont situé dans les années 60. Et plus précisément le 17 février 1964, date où la Belgique a conclu un accord bilatéral avec le Maroc, facilitant les démarches d’immigration des Marocains vers la Belgique. «Par le choix de la date où on a situé les événements de la pièce, on voulait aborder la situation actuelle en revenant un peu en arrière, puis rappeler en même temps la date de la signature de l’accord. C’est en fait rendre hommage à ces premiers immigrants et rappeler que c’étaient des gens comme nous qui étaient partis de leur pays pour avoir une situation meilleure, travailler pour aider la famille et se faire un avenir. C’est un spectacle où on prend des petits morceaux de cette histoire racontée et lue par-ci par-là. Mais, c’est plus l’humour et l’émotion qui l’emportent. On démarre avec un peu d’historique. Après, c’est place au rire et à l’éclatement», souligne Rachid Hirchi, auteur, metteur en scène et comédien.
Plusieurs profils rentrent en jeu pour mettre en exergue des personnages aussi atypiques qu’exceptionnels afin d’offrir au public un spectacle innovant avec un théâtre qui diffère de ce qu’il a l’habitude de voir. «On a créé un groupe de personnages pour pouvoir parler de situations différentes et pour ne pas tomber dans un spectacle linéaire avec le même type d’humour. Cela nous a permis de raconter beaucoup de choses et glisser plusieurs messages. Il y a, donc, le personnage dragueur, l’autre magique, puis l’intellectuel avec une touche personnelle de chacun des comédiens qui ont campé ces rôles», précise R. Hirchi. Des comédiens qui ont, effectivement, réussi leur coup, puisque, même avec un sujet vu et revu à plusieurs reprises, ils sont arrivés à séduire tous les publics. Les concepteurs du projet voulaient à tout prix répondre aux nombreux questionnements relatifs à l’immigration et ses aspects plus négatifs que positifs.
«Nous avions la ferme volonté de poser un regard différent sur cette réalité, de redonner un visage humain à ce qui n’est plus qu’un terme générique, vide de sens. Et quoi de mieux que de commencer par raconter les racines pour mieux humer la fleur et rendre cet humble hommage aux “anciens”, en parlant des véritables origines de cette immigration». Expliquer ce phénomène était, donc, l’objectif escompté à travers le choix de ce sujet.
Mais il a fallu prendre l’humour comme langage pour faire passer le message avec plus de finesse et de tact. C’est là où réside toute l’ingéniosité de l’équipe, à travers l’écriture du texte, sa mise en scène, puis sa revalorisation sur scène. Un travail d’ensemble où chacun a collaboré avec son talent et son savoir-faire. «Quand on est venu me proposer le rôle, j’ai tout de suite accepté, parce que j’ai trouvé le projet intéressant, surtout qu’en Belgique le sujet n’a été abordé que rarement. D’où sa réussite sur le plan thématique et aussi professionnel. C’est, en effet, un spectacle de qualité, où chacun de nous s’est donné à fond pour le réussir. Les gens s’y attachent dès les premières minutes de la représentation. Cela vient sûrement de notre sincérité, car cet hommage envers les anciens vient du cœur. Pour moi, jouer ce spectacle au Maroc, c’est boucler la boucle. Puisque le départ s’est fait d’ici, il y a maintenant ce retour, pas comme nos parents l’avaient imaginé. Mais un retour de la 2e et 3e génération pour un peu exprimer l’histoire que leurs parents ont vécue. C’est une manière de rendre hommage à cette histoire, pas très mise en avant et qui peut créer des ponts entre le Maroc et les Marocains résidant à l’étranger», affirme le comédien Mohamed Ouachen.
Les auteurs et comédiens ont réussi d’aborder ce sujet aussi important de l’immigration avec beaucoup d’audace, d’autodérision et de fraîcheur.
«C’est vrai que ce sujet a été traité très souvent. Mais, pour nous, ce qui fait la force de ce spectacle, c’est plus l’humour que de raconter l’histoire des immigrants. On n’est pas là pour pleurer sur notre sort. Nous sommes des Belges fiers et des Marocains fiers. C’est un spectacle qui peut rassembler les deux peuples sans aucun problème. Au départ, ce n’était pas aussi simple de convaincre le public à venir voir notre pièce. Mais, après avoir assisté, beaucoup de gens sont venus nous féliciter des deux bords, parce qu’ils ont trouvé qu’on a été plutôt objectifs et réalistes. Notre spectacle est perçu d’une manière universelle, puisque d’autres communautés peuvent s’y reconnaître. Ce qui est important pour nous, c’est qu’on est arrivé à toucher les gens en leur disant qu’il faut être courageux et voir la réalité en face», renchérit Rachid Hirchi.
La compagnie «des voyageurs sans bagage»
Dans le but de «dynamiter la scène belge», les deux jeunes comédiens bruxellois, Issam Akel et Fionn Perry s’associent avec les deux auteurs, Rachid Hirchi et Mohamed Allouchi, pour créer la troupe «Les voyageurs sans bagage». Ces derniers arrivent, malgré le manque de moyens, à attirer l’attention de plusieurs artistes, dont Mohamed Ouachen (reconnu pour ses succès tels que Djurdjurassik Bled ou Stoemp) qui s’engage corps et âme dans l’aventure. D’autres artistes furent séduits par l’idée et rejoignent leurs amis dans le seul objectif d’offrir un théâtre populaire de qualité.
Après leur succès en Belgique, dans les plus grandes salles du pays, la compagnie décide de s’envoler vers d’autres cieux en commençant cette année par le Maroc, la France en 2013, puis le Canada en 2014. Un projet qui ne s’arrêtera pas là puisque l’écriture d’une adaptation cinématographique est en cours. Sans oublier de signaler le prochain fruit de ce collectif, notamment la nouvelle pièce de théâtre «L’argent fait le bonheur».
6 Mai 2012, Ouafaâ Bennan
Source : LE MATIN