La sévérité des lois en matière de regroupements débouche fréquemment sur des situations difficiles et sans issue, constate le texte. Les droits des personnes concernées sont en conflit constant avec les restrictions légales.
Il est difficile de voir un juste équilibre entre les droits individuels et la politique migratoire restrictive dans le climat actuel, très agressif, notent l’Observatoire du droit d’asile et des étrangers (ODAE) et ses succursales en Suisse romande et orientale. Ceux-ci ont présenté jeudi à Berne un rapport intitulé «Le regroupement familial et les limitations au droit à la vie familiale».
Ce rapport se fonde sur onze situations documentées par l’ODAE. Elles témoignent des difficultés qu’entraîne l’application du droit d’asile en matière de regroupement familial, à la fois pour les migrants et pour les Suisses qui souhaitent faire venir au pays leurs proches étrangers.
Sujet politique
Le sujet est brûlant: le regroupement familial est le second motif d’immigration après celui de l’emploi. En 2011, 31,6% des arrivées en Suisse résultaient d’un regroupement familial, selon l’Office fédéral des migrations.
Du coup, le thème a fait son entrée dans l’arène politique. L’UDC et le PLR entendent restreindre les regroupements afin de limiter l’immigration. Pour le conseiller national Balthasar Glättli (Verts/ ZH), cette tendance législative a des conséquences humaines dramatiques.
Comme la migration du travail de ressortissants d’Etats tiers - hors UE ou AELE - est soumise à une politique restrictive, on constate une tendance générale à soupçonner l’abus en cas de mariage et de regroupement familial, estime la coordinatrice de l’ODAE Claudia Dubacher.
Il est difficile pour les migrants non-européens de remplir dans les délais prescrits les conditions matérielles au regroupement familial, notamment un logement adéquat et un revenu pour prendre en charge toute la famille, explique-t-elle.
Or les autorités ne permettent que rarement des regroupements demandés hors délai, même pour des raisons majeures. Ainsi, un regroupement peut être refusé pour le bien présumé d’un enfant, alors que ce dernier reste séparé d’un parent. De plus, les enfants ne sont que très rarement entendus dans ces décisions.
Grande marge des cantons
A cela s’ajoute une utilisation excessive - voire abusive - par les cantons de leur marge d’appréciation. Les cantons tendent à restreindre encore davantage, par l’imposition de conditions supplémentaires au regroupement, les droits des migrants souhaitant réunir leur famille en Suisse.
La présidente de l’ODAE Ruth-Gaby Vermot rappelle que les migrants souhaitant un regroupement disposent en général d’un emploi légal et rémunéré. «Leur refuser un regroupement, et par conséquent une vie familiale, leur imposer des obstacles administratifs, c’est réduire la qualité de leur vie dans un pays étranger».
Cette situation ne rend heureux personne, estime l’ancienne politicienne socialiste bernoise: «L’incertitude, la nostalgie de la famille et la solitude sont absolument contraires à une bonne intégration».
Suisses discriminés
Enfin, il est frappant que les Suisses soient moins bien lotis que les ressortissants européens lorsqu’il s’agit de faire venir les membres non européens de leur famille, constate le rapport. Les Suisses ne bénéficient en effet pas des droits accordés aux citoyens des Etats de l’UE/AELE au titre de l’accord sur la libre circulation.
«Cette discrimination des nationaux ne se justifie pas et elle a été critiquée à plusieurs reprises par le Tribunal fédéral», a rappelé Mariana Duarte, coordinatrice de l’ODAE romand. Pour Balthasar Glättli, il revient au Parlement de mettre fin à cette discrimination en modifiant la disposition correspondante dans la loi sur les étrangers.
10/5/2012
Source : Le Matin.ch/(ats/Newsnet