jeudi 4 juillet 2024 12:29

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Espoirs et craintes de musulmans à la veille de l’entrée en fonction de M.Hollande

Au cœur de débats sur l’islam et la laïcité qui ont émaillé le quinquennat de Nicolas Sarkozy, qu'attendent les musulmans de l'arrivée de François Hollande au pouvoir? S’ils sont globalement soulagés du départ du président sortant et s’attendent à « moins de stigmatisation » de la part du gouvernement socialiste, les responsables interrogés font part de leurs craintes face aux visions « laïcistes » d’une certaine partie de la gauche.

Sami Debah, président du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), une association, fondée il y a dix ans, qui recueille les témoignages des victimes d’actes anti-musulmans et leur propose une aide juridique. Le CCIF a notamment porté plainte contre Marine le Pen suite à ses propos assimilant les prières de rues à l’occupation nazie.

« On espère une normalisation entre les musulmans et le pouvoir politique, une non-ingérence mutuelle. Le gouvernement précédent a fait appel aux sujets liés à l’islam pour tenter de récupérer l’opinion publique lorsqu’il prenait des mesures impopulaires ou pour capter le vote Front national. Espérons que les socialistes ne le feront pas et que les musulmans ne soient plus présentés comme d’éternels étrangers dans leur propre pays.

Et, lorsque le FN remettra l’islam sur la table, nous espérons que le gouvernement ne lui emboitera pas le pas mais lui apportera la contradiction. Le problème, c’est la méconnaissance de l’islam par une partie de la gauche.

On aimerait plusieurs signaux : la mise en place d’une mission parlementaire pour mesurer, identifier l’islamophobie et lutter contre ce phénomène. Mais ce qui montrerait vraiment la bonne volonté du gouvernement serait l’abandon du texte « anti-nounous voilées », voté par la gauche au Sénat ». Ce texte vise à encadrer le port de signes religieux, y compris pour des femmes gardant des enfants à domicile.

« Mais on redoute que, de la même manière que la droite a utilisé les thèmes de la sécurité ou de l’identité nationale pour taper sur l’islam, la gauche reprenne ce thème sous couvert de sujets liés à l’égalité homme-femme ou à la laïcité. On sait qu’il y a à gauche des frictions sur ces thèmes, entre les plus obtus, les plus intransigeants et les partisans d’une normalisation. Dans ce contexte, la nomination de Manuel Valls [au ministère de l’intérieur ou à Matignon], ne serait pas un bon signal et nous amènerait à mener bataille ». M.Valls est l’un des rares députés socialistes à avoir voté la loi interdisant le voile intégral dans l’espace public et a publiquement soutenu la directrice de la crèche Babyloup, en procès contre une de ses salariées voilées.

Abdallah Dliouah, imam à Valence

« Je pense qu’avec le nouveau gouvernement, on sera moins dans la stigmatisation. Même si pendant le débat [entre les deux tours de l’élection présidentiel], les deux candidats ont été dans la surenchère sur le halal ou le niqab. Mais ce changement [de majorité] est quand même positif car les musulmans ont vraiment passé des moments difficiles ces cinq dernières années. Même si on se disait « on est français, on ne risque rien », on était sincèrement inquiets. Inquiets de savoir comment nous voit notre voisin, inquiets de devoir dire que l’on est musulman… Et certains pensaient à quitter la France.

Mais ce n’est pas gagné car ce qui va rester après ces cinq années, c’est la vulgarisation du discours anti-islam. On a entendu de la part d’un ministre de l’intérieur des choses que l’on n’entendait que dans la bouche des Le Pen.

Aujourd’hui, pour que les musulmans se sentent reconsidérés, rassurés et se sentent chez eux car ils sont chez eux, il faudrait un discours à la Obama [référence au discours au monde musulman que le président des Etats-Unis a prononcé au Caire en juin 2009] !

Lui aussi s’inquiète « des positions laïcistes » de Manuel Valls » et considèrerait « l’abandon du texte « anti-nounous voilées » comme un grand geste à même de rassurer ».

Khalil Merroun, recteur de la mosquée d’Evry, ville dont Manuel Valls est maire

"Manuel Valls est un laïc acharné, mais s’il était au ministère de l’intérieur, il n’instrumentaliserait pas l’islam et le Conseil français du culte musulman (CFCM) comme cela a été le cas ces dernières années. Il a eu des positions dures sur l’islam. Mais quand on est aux responsabilités on affronte les réalités et on change !

J’espère que le PS ne manipulera pas l’islam car ce serait contreproductif et en contradiction avec les discours sur le rassemblement et la justice de François Hollande. On veut seulement que l’islam soit traité sur le même pied d’égalité que les autres religions. Le fait est que l’on n’a jamais entendu d’agressivité anti-musulmane de la part de Hollande ".

N’della Paye, mère d’élève, co-fondatrice de Mamans Toutes égales, une association qui milite pour la levée de l’interdiction faite aux mères voilées d’accompagner les sorties scolaires, recommandée par la circulaire de rentrée 2012, voulue par le ministre de l’éducation Luc Chatel.

« En ce qui nous concerne, je n’ai pas l’impression que la situation va s’améliorer. Durant la campagne nous avons interpellé les candidats au sujet des mères voilées accompagnant les sorties scolaires. Les socialistes ne nous ont pas répondu ! Et le texte "anti-nounous voilées" a été proposé et voté quand le Sénat est passé à gauche... Franchement, on risque d’avoir du boulot avec les socialistes ! On s’étonne de l’interprétation qui est faite de loi de 1905 qui voudrait que la religion est limitée à la sphère privée.

Notre souhait c’est qu’il n’y ait plus de lois ou de mesures d’exception pour les femmes musulmanes. On ne demande rien de plus, juste que la laïcité soit la même pour tous. Concernant la circulaire sur les sorties scolaires, on demande non seulement que le prochain gouvernement revienne dessus mais qu’il se positionne clairement dans l’autre sens car ce texte va créer des problèmes là où il n’y en a pas ».

14/5/2012, Stéphanie Le Bars

Source : Le Monde

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