dimanche 24 novembre 2024 06:26

Visite dans «l'univers sénégalais» de Bab Marrakech

Il est onze heures à Bab Marrakech. Salamalecs, blagues et causeries rendent l’ambiance joviale. C’est dans un endroit florissant de couleurs, fourni en objets d’art, produits alimentaires et cosmétiques que des immigrants subsahariens, généralement d’origine sénégalaise, tiennent boutique. Le petit «souk», bien garni, donne des airs de Dakar, la capitale sénégalaise.

À Bab Marrakech, tailleurs, gargotiers, vendeurs d’objets d’art et d’autres produits provenant du Sénégal se côtoient. Poissons fumés ou séchés, mollusques ou condiments, paquets de chevelures ou articles cosmétiques ornent les échoppes. Hommes et femmes gagnent leur vie au prix de ce commerce. Ils trouvent preneurs chez leurs compatriotes vivant au Royaume qui affectionnent ces produits. Baye Fall, un jeune homme de 23 ans, étudiant dans une école privée de Casablanca, fréquente ce «marché sénégalais», depuis un bon moment. Il est venu au Maroc pour poursuivre ses études, car, au Sénégal, les grèves perturbent l’année scolaire.

Des prix plus onéreux à Casablanca

En journée ici au marché, son objectif est de récolter quelques sous pour payer ses études et vivre «dignement». Ce n’est que le soir qu’il suit ses cours. Il assiste un gérant de gargote. «Je me fais un peu d’argent dans cet endroit, car la vie est dure à Casablanca et je paie moi-même mes études dans une école privée de la capitale économique».
«C’est une manière de sortir de cette situation difficile que connait tout le monde», ajoute Coumba, la trentaine, en nous tendant un petit sachet de quelques grammes de tamarin, vendu à 5 dirhams, pour préparer des jus et parfois dans d’autres mets.

Les petits commerces constituent des alternatives non négligeables pour la gestion quotidienne des dépenses d’immigrants subsahariens. Quant aux prix, ils sont naturellement plus élevés ici à Casablanca qu’au Sénégal. Une chose normale, selon ces immigrants, qui se voient obligés d’augmenter les prix pour compenser toutes les dépenses d’import que leurs produits entraînent. À titre d’exemple, le poisson fumé, très prisé au Sénégal, est proposé pour dix dirhams la quantité minimale.

Le pain de singe et le karkadé (bissap), utilisés aussi pour faire du jus, le riz, les paquets de cheveux artificiels, les sachets de bouillie, les «boubous» traditionnels (vêtements africains portés par les hommes et les femmes) sont aussi vendus beaucoup plus cher à Casablanca. Selon une cliente rencontrée sur place, un simple tambour peut coûter jusqu’à quatre cents dirhams. Si dans un premier temps, la présence de clients est une marque de satisfaction, leur réticence quant à l’achat en est une autre. Mais dans ce contexte pas toujours clément, chaque commerçant exploite crânement ses chances pour s’en sortir à Casablanca.

Une situation précaire

Les émigrés subsahariens font désormais partie du paysage de la métropole. Ils sont Sénégalais, Maliens, Guinéens, Burkinabés, Camerounais, Nigérians, Ivoiriens. Mis à part les étudiants, la grande majorité d’entre eux n’ont qu’un seul rêve : regagner l’eldorado européen. En attendant, ils font des petits boulots, vendent des articles propres à leurs pays ou demandent l’aumône. Partout dans la ville, on rencontre des images saisissantes d’émigrés mal en point.
En dépit de leur extrême précarité, ils décident de continuer à vivre. Ces émigrés n’ont pas un seul point de chute. Ils sont installés dans différents quartiers de la ville : l’ancienne médina, Aïn Sebâa, Hay Hassani, Sidi Bernoussi, Mohammedia, quartier des Cheminots, etc.

17/5/2012, El Hadji M. Gueye

Source : LE MATIN

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