dimanche 24 novembre 2024 06:47

Les Marocains de Grèce face à la crise : Entre désespoir et optimisme

Au cœur de l’actualité européenne ces dernières semaines, la crise en Grèce. Ce pays d’Europe du Sud vit une situation économique plus qu’alarmante depuis plus d’une année. Les conséquences sont des plus ardues sur les plans politique et social, si bien que certains Grecs immigrent pour s’assurer un lendemain meilleur. Yabiladi a voulu savoir comment les Marocains résidant en Grèce vivent cette période délicate. Témoignages.

La situation en Grèce n’est plus à décrire, tellement le sujet défraye la chronique ces derniers temps. La crise de la dette publique a entrainé une telle paralysie que l’heure est à la réflexion sur une éventuelle sortie de l’euro. Sur les plans politique et social, les retombées sont des plus criardes. Nul n’est épargné. Les Grecs sont si touchés qu’ils immigrent, notamment vers l’Allemagne. A Volos (nord d'Athènes), les habitants ont créé le TEM, une monnaie qui leur permet de détourner l’euro devenu rare et cher. Les étrangers aussi payent bien les frais de cette conjoncture et les Marocains ne font pas exception. « Malheureusement, la crise a beaucoup touché les Marocains, puisque la plupart d’entre eux sont sans-papiers », affirme Abd Ben Brahim, président de l’Association de la communauté marocaine en Grèce, contacté par Yabiladi. Ils arrivent en général de Turquie et n’ont pas souvent l’intention de rester en Grèce, puisque ce pays est considéré comme un portail pour l’Europe.

Dur dur d’avoir un travail

C’est plus de 3000 Marocains résidant en Grèce, selon l’Ambassade du Maroc à Athènes, qui vivent actuellement dans des conditions plus qu’austères. « Ça fait presque 20 ans que je suis en Grèce et je peux vous dire que pour trouver du travail c’est très difficile », confie M. Ben Brahim ajoutant que « la Grèce est un pays difficile pour l’intégration des immigrés ».

Hassan Bessalah réside à Athènes depuis 1 an et demi et chôme depuis plus de six mois. Il a travaillé dans un centre d’appel canadien comme téléopérateur pour les pays arabes. Mais le contrat n’a duré que six mois, car la compagnie est allée s’installer en Espagne. « Pour me faire un peu d’argent, je donne des cours de cuisine aux Françaises expatriées. J’ai un ami français, avec qui je vis, qui m’aide pour le loyer et la nourriture », explique-t-il à Yabiladi. Hassan se souvient avec regret de son arrivée dans ce pays. « Au début c’était bien, donc je m’étais dit que c’est là où je vais travailler. Maintenant je suis coincé, regrette-t-il. Je ne peux plus faire marche-arrière. Je suis arrivée du Maroc vers la Turquie et de là je suis arrivée en Grèce clandestinement, comme la plupart des gens, y a rien à cacher, lance-t-il désavoué ».

Depuis, Hassan cherche du boulot sans succès. Actuellement il suit des cours de grec espérant que les choses seront plus simples pour lui. « Puisque je parle couramment l’anglais, le français, le coréen et l’arabe, j’apprends le grec pour travailler comme traducteur, parce que c’est un métier qui paye ici », souligne-t-il.

Olaya Rakdani, étudiante en optique n’a pas de bourse. Cela fait maintenant 7 ans qu’elle réside en Grèce et y est arrivée malgré elle. « Je n’avais pas une moyenne satisfaisante, donc le choix était limité. Mon oncle médecin a étudié en Grèce. Il m’avait dit que la vie était simple et que les Grecs sont agréables », se souvient-elle. Pour subvenir à ses besoins, Olaya travaille le soir dans un fast-food comme serveuse. « Depuis la crise je travaille 3 jours par semaine, ce qui fait que je gagne moins. La famille au Maroc n’a pas les moyens de m’aider ».

Maria Menouni, originaire de Meknès est professeure de Français. Elle aussi a senti les effets de la crise, mais à moindre mesure. « Je vis de ces cours. Avec la crise, j’ai connu une baisse d’effectif et là on se serre la ceinture », indique-t-elle.

« Situation insupportable »

Même si certains arrivent à garder leur travail, la vie au quotidien reste difficile. Selon Khalid Chamane, « les prix des aliments ont augmenté de plus 35, 40 voire même 45% ». « C’est déjà impossible avec les salaires que l’on a en plus de la surcharge des taxes. J’ai été obligé de vendre ma voiture parce que le prix du carburant a augmenté de 60% », confie-t-il partagé entre le rire et la désolation.

« Nous aussi on paye les dettes avec les Grecs, mais à la télé, ils disent que les étrangers ne payent rien, ce n’est pas normal. Nous, on n’a même pas profité de cet argent, mais on paye et ils ne le reconnaissent pas. On est dans une situation insupportable, déplore cet informaticien qui vit en Grèce depuis maintenant 10 ans. « On nous a fait jusqu’ici des prélèvements de 40 euros sur les salaires. Il est prévu qu’à partir de cette semaine, les salaires soient abaissés de 20 à 25%. Mais avec le gouvernement actuel, on ne sait pas s’ils vont appliquer cette mesure. On espère que ce ne sera pas le cas », lance Khalid, optimiste.

Pas question de retourner au Maroc...

Même si plusieurs Marocains sont retournés au royaume ces derniers mois, comme le fait savoir M. Ben Brahim, ceux qui sont restés, bien qu’ils décrient la situation actuelle en Grèce, n’envisagent pas un retour immédiat au Maroc. Pour Maria Menouni, la question ne se pose pas vraiment, puisqu’elle est mariée à un Grec depuis 28 ans, donc naturalisée et son époux travaille dans une multinationale. En dépit du « climat tendu » qui y règne, elle ne connait pas une situation précaire.

Par contre, Khalid Chamane, n’envisage pas de rester en Grèce, mais rejette toute possibilité de retour au pays. « Rester en Grèce, je ne crois pas. J’aime le pays, mais c’est très difficile. Ils nous traitent d’une manière… je dirais raciste », affirme-t-il. Cependant, « Rentrer au Maroc, impossible ! Mon capital est zéro. Rentrer au Maroc, c’est tout recommencer, et ça, je ne peux pas. Chaque fois que je vais au Maroc, je trouve qu’il n’y a rien pour moi là-bas. Je vais essayer de voir ailleurs. Mais j’espère vraiment que la situation va s’améliorer » déclare Khalid qui s’estime heureux de ne pas être marié pour l’instant, sinon ce serait plus difficile.

Olaya Rakdani, quant à elle, aimerait bien rentrer au Maroc après ses études. « Mais avant, j’aimerais me spécialiser encore plus dans un autre pays comme la Suède ou le Canada, car la spécialité que je veux faire n’existe pas en Grèce », explique-t-elle.

... et pourquoi pas ?

Hassan Bessalah ne sait pas encore ce qu’il fera si la situation ne s’améliore pas. « Je n’ai pas encore décidé. Mon ami Français a dit qu’il fera tout pour que j’aille en France, confie-t-il. On va voir, peut-être je pourrai retourner au Maroc jusqu’à ce que ça s’améliore ».

Pour l'instant la spéculation autour d'une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro est de plus en plus renforcée et aucune mesure salutaire ne se décline à l'horizon. Un gouvernement de transition a été formé le 17 mai dernier, mais le FMI refuse de travailler avec ce dernier afin de résoudre la crise, préférant attendre les élections législatives prévues le 17 juin prochain. Si le pays sort de l'euro, les conséquences risquent d'être fâcheuses sur l'économie de toute la zone. Et ces pays, où certains Marocains de Grèce envisagent d'aller, risquent d'appliquer des mesures d'austérité pour retrouver l'équilibre économique et financier. Alors que la France, l'Espagne, l'Italie, et pour ne citer que ces pays, sont loins d'être à l'aise économiquement, où iront-ils si la Grèce ne se relève pas?

22/5/2012, Ristel Edimo

Source : Yabiladi

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