Le ministre de l'Intérieur préconise de "mettre derrière les barreaux" tous les clandestins africains afin de "protéger le caractère juif de l'Etat d'Israël".
Une manifestation qui a dégénéré en violences racistes à Tel Aviv a déclenché jeudi 24 mai une polémique sur la présence en Israël de quelque 60.000 immigrants clandestins, la plupart Soudanais et Erythréens, entrés via le Sinaï égyptien.
Mercredi soir, un millier d'Israéliens avaient défilé dans le quartier défavorisé de Hatikva [l'espoir en hébreux, qui est également le nom l'hymne israélien, NDLR], situé dans le sud de Tel Aviv, aux cris de "Les Soudanais au Soudan" et autres slogans xénophobes.
Certains des manifestants ont attaqué et pillé des magasins tenus par des Africains et endommagé plusieurs voitures transportant des immigrés, selon la police, qui a arrêté 20 manifestants.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a condamné ces violences, affirmant qu'elles n'avaient "aucune place" en Israël, tout en s'engageant à "résoudre de façon responsable" le problème de l'immigration clandestine.
Nous achèverons la construction du mur d'ici quelques mois et nous commencerons bientôt à renvoyer les immigrés dans leurs pays d'origine", a promis Benjamin Netanyahou, en référence à la clôture de 250 km qu'Israël est en train de construire le long de sa frontière avec l'Egypte, très poreuse car passant en plein désert du Sinaï.
Selon le ministère de l'Intérieur, 62.000 immigrés clandestins se sont "infiltrés" depuis 2006 en Israël en provenance surtout du Soudan, du Soudan du Sud et d'Erythrée. Conscience morale du pays, le président Shimon Pérès a jugé que la haine des étrangers était "contraire aux enseignements du judaïsme" et que la violence n'était "pas la solution" face aux difficultés des habitants des zones sud de Tel Aviv.
Jeudi, les Africains étaient peu nombreux au marché du quartier Hatikva. "Il y a 70% de Noirs en moins ce matin", s'est réjoui un propriétaire d'une petite boutique de vêtements.
Selon cet Israélien de 24 ans, qui a préféré rester anonyme, l'affluence d'Africains provoque un sentiment d'insécurité chez les habitants les plus âgés. "Ma grand-mère a quitté le quartier après qu'un Africain soit rentré chez elle. Même moi j'ai peur", a-t-il témoigné.
La seule solution est de les renvoyer chez eux", insistait une Israélienne du quartier. "Nous avons peur de sortir de chez nous. Leur situation pousse ces clandestins à faire des choses terribles."
A la suite d'une récente vague de criminalité impliquant des immigrés, un vif débat s'est engagé sur le nombre des immigrés d'Afrique noire en Israël. Le ministre de l'Intérieur, Elie Yishaï, chef du parti religieux Shass, a même préconisé de "mettre derrière les barreaux" tous les clandestins africains afin de "protéger la caractère juif de l'Etat d'Israël". Si le gouvernement n'agit pas, "ils seront bientôt un demi-million, voire un million", a prévenu le ministre.
Une députée du Likoud, le parti de droite de Benjamin Netanyahu, Miri Regev, qui a participé à la manifestation de mercredi, a assimilé les clandestins à "un cancer qui prolifère".
Incitation à la haine raciale
En revanche, le maire de gauche de Tel Aviv-Jaffa, Ron Huldaï, a estimé que si le gouvernement permettait aux immigrés clandestins de s'installer à Tel Aviv, il fallait "leur donner les moyens de vivre en leur permettant de travailler".
Yariv Oppenheimer, le dirigeant de l'association antidiscrimination La Paix Maintenant, a demandé au procureur général d'engager des poursuites pour "incitation à la haine raciale" à l'encontre des députés du Likoud présents à la manifestation.
Deux rassemblements antiracistes ont réuni quelques centaines de personnes à Tel Aviv et à Jérusalem, près de la résidence du Premier ministre. "Le racisme est un cancer" et "Nous sommes tous des réfugiés", proclamaient des pancartes.
25/5/2012
Source : Le Nouvel Observateur avec AFP