En Israël, la majorité des Africains sont des réfugiés qui ont fui des zones de guerre. Et les chiffres élevés qui circulent sur l'implication des demandeurs d'asile dans les actes de violence sont parfaitement faux.
Au cours d’histoire, on nous a toujours appris que l’antisémitisme avait éclos sur un terreau de crise économique dans des pays dont les dirigeants, plutôt que de faire face aux problèmes réels, avaient préféré faire des Juifs la cause de tous les maux. On nous a également enseigné que les régimes répandent mensonges et inventions pour attiser le feu de la haine.
Les masses ignorantes étaient prêtes à croire les mensonges les plus énormes et se retournaient contre les Juifs. Ces derniers temps, alors que mensonges et inventions sont répandus par des députés, des maires et des personnalités en vue qui n’hésitent pas à gonfler une vague de racisme, je me demande ce que nous avons retenu de notre cours d’histoire.
"Ce ne sont pas des réfugiés", entend-on hurler sur toutes les places publiques et les forums. Les migrants d’Afrique viennent ici uniquement pour trouver du boulot et ils ne sont pas en danger. Si tel est vraiment le cas, alors pourquoi ne les expulse-t-on pas ? Tout simplement parce que cette assertion est fausse et que les autorités israéliennes le savent bien. D’un rapport réalisé par la commission des droits de l’Homme de l’ONU, il ressort que, début 2011, Israël comptait exactement 25 471 réfugiés, un chiffre très proche de celui des "infiltrés" évoqué depuis quelques semaines. Ces chiffres sont issus d'une source bien informée : le gouvernement israélien.
Complicité des autorités
Si tel est le cas, comment peut-on continuer à prétendre que ces gens ne sont pas des réfugiés ? Et bien, c’est simple comme bonjour : leurs demandes d’obtention du statut de réfugiés ne sont pas examinées. Selon le département population et immigration du ministère de l’Intérieur, un réfugié est quelqu’un reconnu comme tel par l’administration. Si sa demande n’est tout simplement pas examinée, aucune reconnaissance ne peut survenir et il n’y a donc pas de réfugiés en Israël. Un beau coup de baguette magique.
En d’autres endroits du monde, plus de 90 % des gens qui ont fui l’Erythrée sont reconnus comme réfugiés sous les auspices de la convention des Nations unies sur les réfugiés. Ils reçoivent dès lors protection, couverture sociale et assistance. Et en Israël ? Quelques éminents maires, à commencer par celui de Tel-Aviv, Ron Huldaï, ont publié un communiqué dressant l’inventaire des décisions prises par le gouvernement israélien mais qui n’ont pas été mises en application. L’une d’entre elles prévoit l’expulsion des "infiltrés" et l’imposition d’amendes aux commerces qui les emploient. Ron Huldaï sait certainement que l’expulsion d’Erythréens et de Soudanais est interdite tout simplement parce que, dans leurs pays d’origine, ils risquent la prison, la torture et la mort.
Peut-être Huldaï ne le sait-il pas, mais les employeurs n’ont jamais reçu d’amende tout simplement parce que, pour l’instant, l’Etat s’est engagé devant la Haute Cour de justice à ne pas punir les employeurs qui recourent aux services de réfugiés qui ne sont pas titulaires d’un permis de travail. Le ministre de l’Intérieur Eli Yishaï [chef du parti ultraorthodoxe séfarade Shas] est évidemment au courant de cet engagement, mais cela ne l’empêche pourtant pas de déclarer, contre toute décence, qu’il veillerait personnellement à sanctionner ceux qui emploient des réfugiés.
Fausses informations
En définitive, voici le mensonge le plus puant d’entre tous : "Quelque 40 % des crimes commis dans le district de Tel-Aviv impliquent des demandeurs d’asile." Ce chiffre, tous les médias nous le répètent depuis plusieurs semaines. Ces données se fondent sur des estimations fournies lors d’une réunion de travail sur la grande criminalité entre le ministre de la Sécurité publique Yitzhak Aharonovitch [d'Israël Beiteinou, droite ultranationaliste], le chef de la police nationale et son directeur du département enquêtes et renseignements. C’est à se demander pourquoi les médias ont été aussi prompts à relayer une information manifestement fausse sans la vérifier. Car cette information est sans fondement. Et ce n’est pas la première fois que ces impressionnants 40 % sont invoqués dans le débat public. En mars 2010, le site de Maariv citait déjà une source policière anonyme de Tel-Aviv à l’appui de ce chiffre et, depuis lors, il revient sans cesse.
Pourtant, Gilad Nathan, du Centre de recherche et d’information de la Knesset, a déjà tordu le cou à ces données. Ainsi, sur les 24 702 enquêtes ouvertes par la police du district de Tel-Aviv durant le premier semestre 2010, seules 177 impliquaient des Africains. Quant à la police, elle se montre tout autant gênée par le fantasme des 40 %.
12.06.2012, Nurit Wurgaft|Haaretz
Source : Courrier international