dimanche 24 novembre 2024 10:53

Séminaire de l’association Al Wasl sur le thème : “Marocains du monde : mutations, défis et perspectives” : La diaspora marocaine face à la conjoncture

Peut-on parler de diaspora marocaine ou de « communauté transnationale » pour qualifier la présence de plus de 3 millions et demi d'immigrés marocains, soit 10% de sa population globale, dans plus de 30 pays d'accueil?


En 2003 la revue Hommes et Migrations a publié un dossier sur les «Marocains de France et d'Europe» (coordonné par R. Alaoui). Dix ans après, il semble utile d'analyser les évolutions opérées au sein de cette migration qui a entre autres caractéristiques : sa mondialisation (Europe, Amérique du Nord, pays du Golfe…), sa féminisation croissante qui n'est plus seulement le fruit du regroupement familial, mais également le résultat d'une migration féminine autonome, souvent diplômée, son rajeunissement, sa diversité qui s'illustre par la pluralité des statuts (étudiants, travailleurs, saisonniers, entrepreneurs, commerçants, retraités, etc.) mais aussi son vieillissement pour une frange de migrants partis dès les années d'après-guerre, son enracinement dans les sociétés d'accueil comme en témoigne le fort taux de naturalisation, la dynamique du mouvement associatif, l'émergence en son sein d'une élite hautement qualifiée dans différents domaines, etc. Parallèlement à ces mutations internes, le pays du départ (le Maroc) est devenu, depuis plus d'une décennie, un pays d'accueil et surtout de transit pour des migrations en provenance d'Afrique subsaharienne.
Si le terme de diaspora pose un certain nombre de problèmes quant à sa définition, il n'y a pas de consensus sur les critères théorique et méthodologique à retenir entre les chercheurs qui s'y intéressent et veulent l'étudier. Ils incluent ou excluent donc des populations migrantes de leur propre définition. Par ailleurs, cette notion connaît un usage inflationniste et donne lieu à des interprétations multiples depuis qu'elle est passée dans le langage des médias et dans le langage courant.
Les phénomènes de mondialisation entraînent dans leur sillage des mouvements migratoires parfois très denses conduisant à la création et à l'organisation de communautés nationales sur un sol étranger, le plus souvent désignés comme diasporas par les géographes, les historiens, les sociologues, les politologues. Il en va ainsi de la diaspora chinoise, la plus importante au monde. Elle se manifeste par la multiplication des chinatowns dans les grandes métropoles occidentales. On peut citer encore dans cet esprit la diaspora libanaise. En effet, on sait que plus de la moitié des Libanais vivent loin de leur pays, constituant des communautés commerciales et intellectuelles très puissantes.
Diaspora est un terme grec, il apparait pour la première fois au IIIème siècle avant l'ère chrétienne, dans la traduction en grec de la Torah; le livre sacré des Hébreux. Entre le Ier et le IIème siècles après J.C, les pères de l'église utilisent le terme «dispora» pour désigner la condition du peuple élu des chrétiens avant de le réserver aux juifs faisant ainsi de la dispersion du peuple juif (après la destruction du second temple en 70 après J.C) une malédiction divine.
Réservé au champ religieux, le terme ne fait son entrée que tardivement dans le dictionnaire français (à partir des années 1920 et jusque dans les années 80), sa définition se réfère exclusivement à la dispersion antique du peuple juif.
Elargissement au sens de «communauté» dispersée
Dans le livre «Les migrations des peuples», le géographe Maximilen Sorre regroupe sous le mot diaspora, les juifs, les Grecs, les Arméniens et les Chinois considérés comme «des minorités nationales en terre étrangère» qu'elles possèdent ou non un Etat.
Non seulement le classement de ces populations comme diaspora va progressivement se banaliser dans les textes académiques ainsi que dans les journaux mais les dictionnaires vont prendre acte de cet élargissement à partir des années 80. D'autres populations vont être ainsi classées comme diasporas (diaspora turque, iranienne…)
Depuis plus de 20 ans et à l'échelle mondiale, on voit fleurir plusieurs définitions :
On peut les rassembler en trois types :
1/Les défintions ouvertes insistent sur l'existence de groupes ethniques minoritaires issues de la migration qui concilient la résidence dans un pays et un fort attachement à une patrie d'origine.
Elles n'imposent pas de critères formels pour la classification comme diaspora.
2/Une défintion catégorique où un certain nombre de conditions doivent être satisfaites totalement ou partiellement.
3/Enfin là où les deux premières définitions mettent l'accent sur l'existence d'un centre origine (terre, pays ou Etat), la troisième définition est anti-essentialiste.
L'archétype, en effet est basé sur l'idée que c'est la totalité des membres dispersés qui créent, par cette migration, indépendamment des générations concernées, une nouvelle communauté transnationale, homogène avec un sentiment d'appartenance fort et un projet de devenir politique, social et culturel. L'exemple de la diaspora arménienne est éloquent à ce sujet.
Quelle est alors la spécificité actuelle d'une diaspora ?
Michel Bruneau insiste au moins sur trois éléments :
1/La conscience et le fait de revendiquer une identité ethnique ou nationale;
2 /L'existence d'une organisation politique, religieuse ou culturelle du groupe dispersé (richesse de la vie associative);
3/L'existence des contacts sous diverses formes, réelles ou imaginaires, avec le territoire ou pays d'origine.
L'espace d'une diaspora est donc par excellence un espace transnational diffus et structuré par «une pluralité de réseaux dans lesquels circulent idées, hommes, capitaux, marchandises diverses, les liens familiaux et communataires étant le support de ces échanges ».
A quelles conditions une forme de dispersion démographique, de migration ou de minorité, peut être assimilée à une diaspora ? Qu’en est-il du cas des migrations marocaines? Les réalités migratoires et d'installation dans les pays d'accueil des Marocains vivant à l'étranger constituent un ancrage intéressant pour revisiter et progresser dans cette approche conceptuelle de la diaspora. C'est le premier enjeu de ce dossier que la revue propose de traiter à la lumière de travaux de recherche récents portant sur cette population.
En 2003, la revue Hommes et Migrations a publié un dossier sur les «Marocains de France et d'Europe» (coordonné par R. Alaoui). Dix ans après, il semble utile d'analyser les évolutions opérées au sein de cette migration.
Afin de mieux cerner les multiples réalités de cette migration, ses évolutions et de contribuer à éclairer les enjeux économiques et politiques, la revue lance un appel à contribution vers les chercheurs qui travaillent sur cette problématique.
Les textes pourront décliner les 6 axes suivants :
1/ Etats des lieux de la connaissance et de la recherche scientifique sur la «diaspora marocaine »;
2/ Etat des lieux de la dispersion géographique et des caractéristiques socio-démographiques des Marocains du monde :
approche comparative ;
3/ L'enjeu des transferts économiques et financiers et leur impact sur l'économie marocaine dans un contexte de crise économique et les relations plus générales entre pays d'installation et le Maroc ;
4/ La dynamique du mouvement associatif et son caractère transnational ;
5/ Les élites de la «diaspora» marocaine à l'étranger et le mercato des connaissances qu'elle représente
6/ Approche prospective autre.
Une proposition d'articles sous forme d'un résumé de 1000 signes, d'un plan d'article et d'un court CV de l'auteur (titre, organisme et publication dans le domaine couvert par l'article) sont à envoyer avant le 15 octobre 2012 à la rédaction de la revue (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.) et au coordinateur du dossier Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
La sélection des auteurs se fera au plus tard le 12 novembre. Les textes définitifs seront attendus au plus tard le 27 avril 2013.
Mot de clôture de Salaheddine El Manouzi, président de l’Association Al Wasl
Au nom d’Al Wasl, Conseil d’administration et membres fondateurs, je tiens à remercier l’ensemble des participants pour leurs contributions et surtout pour leur assiduité en ce mois d’août ramadanien.
On a placé ce séminaire dans le cadre de la dynamique de la déclaration de Casablanca, adoptée à l’issue de notre premier séminaire au Maroc le 8 août 2009. Dans cette importante déclaration, l’accent a été mis sur l’engagement citoyen des Marocains de l’étranger, en amont pour leur pays d’origine et en aval pour le pays d’accueil.
Pour le Maroc, notre ambition est de voir se développer une société marocaine prospère, généreuse et émancipée. Pour les pays d’accueil, une intégration réussie et une citoyenneté intégrale ; et ceci bien sûr dans le cadre du développement d’une coopération solidaire entre les deux rives.
La qualité des interventions de ce jour nous a permis d’approfondir l’analyse des mutations, mutations que je résume en une immigration qui est devenue une réalité incontournable, diversifiée socialement et géographiquement et marquée par un renouvellement continu.
La réalité de cette immigration nous interpelle en premier lieu sur les conditions de vie de la première génération, soulève des questions identitaires pour la deuxième génération et pose un questionnement sur la nature des liens que peut avoir la troisième génération avec le pays des parents et grands-parents.
Les différents défis que peuvent imposer les réalités de cette immigration diversifiée et renouvelée, dans leur complexité, ont été abordés sous différents angles. On ne pouvait pas, bien sûr, les évoquer dans leur intégralité et en profondeur en une seule journée. Mais les riches contributions nous ont permis de prendre conscience de l’importante des transferts ; les transferts financiers, entre autres, mais surtout les transferts de connaissances.
La connaissance, le point d’appui et de convergence qui nous anime et nous motive tous. Nous avons appris les uns et les autres beaucoup de choses, et nous voulons mettre à profit la connaissance pour la consolidation des espaces citoyens d’échanges et de réflexion.
C’est cet esprit qui a guidé Al Wasl dans la préparation de la rencontre.
Je tiens à remercier de nouveau les intervenants pour leur disponibilité. Je remercie aussi les organismes qui ont soutenu financièrement l’initiative. Malgré le peu de moyens financiers dont nous avons disposé, je pense qu’on a réalisé une belle œuvre.
Nous sommes confiants en l’avenir. Votre confiance et votre engagement citoyen honorent la mémoire des membres fondateurs que l’Association Al Wasl a perdus (Mohamed Bahi, Younes Nait Slimane et Houcine Boutaam).
14 Août 2012, Rachid ALAOUI
Source : Libération

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