L'annonce par le milliardaire Bernard Arnault de son intention de demander la nationalité belge au moment où le gouvernement français envisage de taxer à 75% les plus hauts revenus remet en lumière le caractère fiscalement attractif de la Belgique, "paradis des rentiers".
Si l'on ignore la proportion d'exilés fiscaux parmi les quelque 200.000 Français expatriés en Belgique, ils ne seraient pas plus de quelques milliers, pour la plupart installés dans des quartiers cossus de Bruxelles, et ne tiennent pas à faire parler d'eux.
Alors que les sportifs affectionnent la Suisse, ce sont surtout des membres de familles à l'origine de grands groupes de la distribution, comme Auchan, Carrefour ou Darty, qui ont choisi de résider en Belgique.
Une chose est sûre, nul besoin de changer de nationalité pour bénéficier du régime fiscal belge, car "ce n'est qu'un critère tout à fait secondaire pour déterminer si l'on est taxable en Belgique", souligne Jean-Pierre Magremanne, avocat fiscaliste au cabinet Xirius à Bruxelles.
Ce qui compte avant tout, "c'est la résidence, c'est-à-dire l'endroit à partir duquel on gère sa fortune, là où l'on a ses pantoufles et son compte en banque", résume ce spécialiste interrogé par l'AFP.
D'ailleurs, parmi les exilés fiscaux français, "il n'y en a pratiquement aucun qui a pris la nationalité belge", selon lui.
On se souvient pourtant de la demande de naturalisation de Johnny Hallyday, qui avait fait grand bruit en 2006 et 2007. Il avait alors été soupçonné de vouloir s'installer à Monaco: la nationalité belge lui aurait en effet permis d'échapper aux accords entre Monaco et la France, qui stipulent que les Français résidant dans la Principauté restent soumis aux impôts français. Mais les autorités belges avaient traîné des pieds, et avant même qu'elles se prononcent, le chanteur avait finalement renoncé.
Si la Belgique, où les revenus du travail sont plus lourdement taxés qu'en France, attire les Français fortunés, c'est parce que "c'est un paradis pour les rentiers", explique M. Magremanne, qui souligne qu'avant tout, "il n'y a pas d'impôt sur la fortune".
Autre avantage non négligeable: "la taxation des plus-values, qui est très élevée en France, c'est zéro ici", résume Alain Lefebvre, interrogé samedi par la RTBF. M. Lefebvre, ancien patron de presse français qui a lancé le magazine "Juliette et Victor" consacré à "l'art de vivre franco-belge", est l'un des rares à reconnaître s'être installé en Belgique pour des raisons fiscales.
En réalité, il existe des cas où les plus-values sont taxées en Belgique, mais "si on réalise une plus-value en vendant des parts de sa société après y avoir consacré des années, c'est considéré comme de la gestion de bon père de famille et il n'y a pas de taxation", précise M. Magremanne.
C'est la raison pour laquelle la France a introduit une "exit tax" afin de dissuader les Français d'aller s'installer en Belgique au moment de transmettre leur entreprise.
Enfin, les droits de succession sont aussi plus avantageux en Belgique pour les biens transmis par "don manuel".
Tous ces avantages font que la proposition de l'ancien président français Nicolas Sarkozy, en mars dernier, de taxer les exilés fiscaux, a créé quelques remous.
L'idée a peut-être fait son chemin chez Bernard Arnault, suppute le fiscaliste Thierry Afschrift, interrogé sur RTL-TVI samedi: "C'était une idée de Sarkozy, mais pourquoi ne serait-elle pas reprise par la gauche française? Et à ce moment-là, il essaie d'anticiper et demande la nationalité belge".
Mais pour que la France puisse taxer les exilés fiscaux, elle devra d'abord renégocier la convention préventive de double imposition signée avec la Belgique, et il est peu probable que celle-ci accepte.
En tout cas le système fiscal belge ne semble pas faire que des heureux: le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, a ainsi affirmé jeudi qu'une "trentaine de milliards d'euros" échapperaient au fisc du royaume, bien à l'abri dans des comptes en Suisse.
08 sept 2012
Source : AFP