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Mineurs isolés en Europe: le grand désordre

«Libération» dévoile une étude pilotée par France Terre d'asile sur l'accueil des mineurs isolés dans les 27 pays de l'Union européenne, compliqué par le manque d'harmonisation des politiques.

Par FABRICE TASSEL

Le chemin de croix que représente une demande d’asile pour un majeur est encore plus compliqué pour un mineur. Ce truisme est un enjeu majeur pour les migrants, bien sûr, mais aussi pour les acteurs et institutions chargés de leur accueil. C’est la raison pour laquelle l’association France Terre d’asile a coordonné, en liaison avec cinq organismes homologues, une étude comparative sur l’accueil des mineurs isolés dans les vingt-sept pays de l’Union européenne. Ce travail, que Libération dévoile, sera présenté aujourd’hui à Paris.

Comme pour les adultes, les conflits entraînent chez les mineurs des vélléités de fuite de leur pays d’origine. Mais d’autres motifs sont à l'origine de ces départs: trafic d’enfants à des fins sexuelles, travail illégal, mutilation génitale des filles....Si les statistiques sont très compliquées à récolter – notamment en raison de la difficulté à donner un âge précis et fiable à certains jeunes migrants –, France Terre d’asile estime que 10 295 demandes d’asile ont été déposées par des mineurs en 2010 au sein de l’UE (l’Afghanistan est le premier pays représenté). La Suède (2393), l’Allemagne (1948), le Royaume-Uni (1595) sont les pays les plus demandés. Cela représente 4% de l’ensemble des demandes d’asile déposées dans le monde, et 74% d’entre elles ont été adressées aux pays européens.

Seul leur âge les place à part: pour le reste, les mineurs demandeurs d’asile doivent apporter, comme les adultes, les éléments justifiant leur situation conformément à la Convention de Genève de 1951. Ils doivent donc démontrer qu’ils sont victimes de persécutions par le passé «ou craignent avec raison d'être persécutés du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques».

Ce rapport rappelle que les Vingt-Sept se sont engagés à établir un régime d’asile européen commun (Raec) visant, comme son nom l’indique, à harmoniser les procédures en matière d’asile. Or, le premier message dans ce sens remonte déjà au sommet de Tampere, en 1999. Pour les rapporteurs, la situation des mineurs est toujours «un enjeu essentiel: en effet cette population particulièrement vulnérable nécessité des normes adaptées à sa situation spécifique». Or l'étude démontre «l’hétérogénéité des lois et des pratiques, malgré l’intention d’harmoniser la mise en oeuvre du droit d’asile au sein de l’Union européenne.»

Les principaux problèmes

Des procédures qui peuvent dissuader les mineurs de demander l’asile: dans plusieurs pays, des pratiques informelles instaurées par les autorités découragent les postulants. Ainsi, à Chypre, le refus de faire appel à un interprète est souvent rédhibitoire, comme en France, la difficulté à obtenir un formulaire de demande.

Le manque d’efficacité dans l'évaluation de l'âge des mineurs non accompagnés empêche de leur faire bénéficier de dispositions spécifiques. Ce reproche est valable pour presque tous les pays de l’UE.

De nombreux pays n’informent pas suffisamment les mineurs qui arrivent à leurs frontières de leurs droits. La Suède décroche un bon point avec la création d’un Conseil des migrations qui fournit aux jeunes un document spécial leur expliquant les démarches à suivre pour déposer une demande.

La question de la représentation légale pose aussi de nombreuses difficultés: certains Etats ont prévu l’accompagnement du mineur par un représentant spécialement prévu à cet effet (France, Luxembourg, Suède...), mais d’autres font appel à des représentants qui ne sont pas spécialement au fait de la procédure (Autriche, Belgique, Grèce...), ce qui crée des difficultés.

Le règlement Dublin II est appliqué aux mineurs par la plupart des Etats: cela signifie que si aucun membre de la famille du mineur qui dépose une demande d’asile ne vit dans le pays visé, le mineur est déplacé dans le pays de l’UE dans lequel ce mineur a effectué une première demande. Exemple de problème: vue la situation de la Grèce, il semble délicat de déplacer un mineur vers ce pays. Le rapport estime donc que «le Règlement Dublin II ne devrait pas s’appliquer aux mineurs non accompagnés, sauf à des fins de regroupement familial si cela s’avère dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans ce cas les mineurs devraient être informés et accompagnés pendant le transfert de manière appropriée.»

Dans l’attente d’une réponse à une demande d’asile, qui peut prendre plusieurs mois, la question de leur placement est très complexe. Familles, foyers, mais aussi détention dans certains pays puisque ces mineurs sont entrés illégalement sur le territoire. Les rapporteurs déplorent que la détention des enfants non accompagnés ne soit pas interdite dans les Vingt-Sept pays de l’UE. Ils demandent aussi que les délais de réponse soient raccourcis compte tenu de la situation de vulnérabilité des mineurs isolés.

17/9/2012

Source : Libération

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