En Belgique, les immigrés voteront pour la deuxième fois le 14 octobre prochain lors d'élections communales. Verdict ?
"Cher concitoyen, depuis un certain temps, vous participez à la vie de la commune de Schaarbeek où vous êtes installé. Si vous ne possédez pas la nationalité belge, nous vous invitons à participer à la vie démocratique de votre commune en vous inscrivant sur les listes électorales." 8 464 immigrés non européens résidant dans cette commune belge de Schaarbeek, à forte population d'origine étrangère et qui appartient à la ville de Bruxelles, ont reçu ce courrier signé du bourgmestre, Bernard Clairfayt. Ils sont 1 437 à y avoir favorablement répondu. "On est dans la moyenne", constate l'élu libéral, un peu déçu tout de même du manque d'enthousiasme de ses "concitoyens" : "On souhaiterait qu'ils soient plus nombreux. Ça reste décevant au regard de la démocratie."
En France, le gouvernement promet le droit de vote à cette catégorie de la population aux élections municipales en cours de mandature, tandis qu'en Belgique, les isoloirs leur seront ouverts pour la deuxième fois le 14 octobre, à l'occasion des élections communales. Il suffit pour cela de résider officiellement dans le royaume depuis cinq ans minimum, "et de signer une attestation de respect de la déclaration des droits de l'homme ainsi que des lois du peuple belge", précise Bernard Guillaume, élu de Schaarbeek, chargé de l'état-civil.
Désintérêt
Pourtant, l'appel de l'urne ne fait pas recette. Malgré un travail de sensibilisation des élus locaux et de nombreuses associations sur le terrain, 14 % des 150 000 personnes concernées au niveau national ont fait la démarche. Les experts sont nombreux à s'être penchés sur ce relatif désintérêt. Ils évoquent trois catégories de raisons : la démarche doit être "volontaire" (alors que les Belges sont automatiquement inscrits sur les listes, car le vote est obligatoire), l'immigré "non communautaire" a, les premières années de son installation, d'autres priorités comme de s'insérer, trouver un travail, etc., ce qui limite le sentiment d'être un acteur de la vie de la cité. Enfin, le faible niveau de conscientisation politique des Belges se répandrait dans toute la société, résidents étrangers inclus. Certains notent aussi que la possibilité de voter est encore trop récente : Aux Pays-Bas, pionnier en la matière depuis 1986, le taux de participation est deux fois plus élevé.
À Schaarbeek, les noms sur les affiches électorales qui tapissent les vitrines des commerces sont aussi multiculturels que l'ambiance dans les rues. Les électeurs y sont sensibles. Mais on ne peut pas parler de vote ethnique. En tout cas, pas pour tout le monde : "Les Turcs et les Albanais sont plus nationalistes avec un plus fort réflexe communautaire", affirme Bernard Clairfayt. "Les résidents turcs ont aussi tendance à venir nous voir pour nous dire : ok, si je vote pour vous, pouvez-vous me rendre telle ou telle faveur", indique Marc Weber, directeur de cabinet du maire.
"Choix de proximité"
L'approche est différente dans la communauté marocaine : les Marocains, qui ont vu des candidats de même origine leur faire dans le passé des promesses qu'ils n'ont pas tenues, votent plus comme des Belges. "Aux élections locales, on fait des choix de proximité, analyse le politologue Marco Martiniello : la personne visible, le voisin, celui de même origine. C'est une attitude qu'on constate aussi chez les Belges d'origine."
Confirmation, de l'autre côté de la barrière, par la conseillère communale d'origine turque Filiz Gulès : "Je fais naturellement campagne dans la communauté turque et je suis le messager entre mes concitoyens d'origine et les "Belgo-Belges". Mais une fois élue, il faut être ouvert à tous. C'est la condition sine qua non pour durer en politique."
20/9/2012, Alain Franco
Source : Le Point