L'Américain Héctor Tobar dénonce dans un roman éblouissant, "Printemps barbare" (Belfond), les pires travers de la société californienne bien-pensante qui peut clouer au pilori ses immigrés, rejetés par une "droite xénophobe et paranoïaque, proche de la barbarie".
Fils d'immigrés guatémaltèques, Héctor Tobar, né en 1963 à Los Angeles où il vit toujours, participe au Festival America qui se tient jusqu'à dimanche à Vincennes, près de Paris, et s'ouvre cette année à tout le continent américain.
L'auteur est considéré comme la voix des immigrés sud-américains en Californie, des Latinos qui représentent à Los Angeles près de la moitié de la population et occupent les emplois les plus mal payés.
"On est proche de la barbarie avec les plus extrémistes de la droite xénophobe et paranoïaque, mais je crois que la majorité des Américains ne soutient pas leurs idées et attend des solutions", tempère dans un entretien à l'AFP l'écrivain et journaliste au Los Angeles Times, couronné en 1992 par le prix Pulitzer pour son travail sur les émeutes de LA.
"Moi-même j'ai été la cible pendant des années de lecteurs hostiles à l'immigration, qui assimilent tous les immigrés aux clandestins, à des hors-la-loi".
"Et je suis fier que mon roman +Printemps barbare+ sur les tensions ethniques, les très forts clivages sociaux à Los Angeles selon sa race et sa culture, soit lu autant par des Latinos que des non Latinos".
"Ce que signifie être Américain évolue. L'Amérique change, à bien des égards, et de façon contradictoire. Le pays devient de plus en plus pluri-ethnique et de plus en plus à l'aise avec cette diversité", estime-t-il.
"Mais le discours politique est plus dur, plus stigmatisant, plus extrême. Et la crispation contre les immigrés sans papiers a atteint un sommet chez les ultraconservateurs du Tea Party et les Républicains les plus à droite", affirme l'auteur de cette fable sociale féroce d'une rare puissance.
Lynchage
Les Latinos, eux, "se reconnaissent un peu dans le parcours de Barack Obama, pour lequel ils ont voté il y a quatre ans et dont ils souhaitent la réélection".
Qualifié par la critique américaine de "Bûcher des vanités" du XXIe siècle, "Printemps barbare", sorti fin août en France, montre comment une petite domestique mexicaine sans papiers fait dérailler la belle machine américaine et se retrouve broyée.
Au Mexique, l'héroïne du roman, Araceli, voulait être artiste. Au lieu de cela, elle est cuisinière, femme de ménage et baby-sitter dans la luxueuse villa de bobos californiens. Un jour, après une dispute apocalyptique, Monsieur claque la porte et Madame part avec la plus jeune des enfants. Araceli se retrouve seule avec les deux aînés. Les jours passent. Les Torres-Thompson ne rentrent pas. Désemparée, la domestique décide de les conduire à travers la jungle de Los Angeles chez leur grand-père paternel, un Mexicain, dont elle ignore la véritable adresse...
Quand les parents indignes rentrent au bercail déserté, ils paniquent. Pour eux, une seule explication: la "Latina" a kidnappé les garçons pour les vendre dans son horrible pays. Le cauchemar commence pour Araceli. Arrestation musclée, procès cruel, lynchage médiatique. Tout cela après avoir cru bien faire.
"Araceli est un peu mon alter ego, explique Héctor Tobar. C'est une intellectuelle enfermée dans le corps d'une domestique. Avec mon physique de latino, on me prend souvent pour un ouvrier ou un jardinier, alors que j'ai écrit trois livres et des centaines d'articles... Les préjugés et la discrimination ont la vie dure !"
22/9/2012
Source : Le Nouvel ObservateurLe Nouvel Observateur/AFP
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Pour l'écrivain Héctor Tobar, l'Amérique xénophobe est "barbare"
Publié dans Médias et migration
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