La crise augmente le chômage, mais augmente-t-elle la mobilité? Le projet européen remonte à une époque où la mobilité était grande pour trois raisons : la décolonisation, les dictatures en Espagne, en Grèce et au Portugal, et une politique d’immigration active pour faire face aux besoins de main d’œuvre des trente glorieuses, notamment en France et en Allemagne. À l’époque, l’économie allemande créait 500 000 emplois par an.
L’Allemagne recrute
Nous sommes loin de tels chiffres aujourd’hui, mais le marché du travail allemand est robuste et les confédérations patronales allemandes se plaignent depuis plusieurs mois d’un manque de main d’œuvre, manque qui ne tardera pas à augmenter dans les années à venir. Il y a quelques semaines, le gouvernement a initié une campagne remarquable pour attirer des immigrés, j’y reviendrai dans un autre post. Depuis plus d’un an, la Bundesagentur für Arbeit, l’agence nationale pour l’emploi, coordonne des missions de recrutement dans les pays du Sud en crise.
Les Instituts Goethe font le plein
La volonté de chercher fortune là où il y a du travail, et serait-ce en Allemagne, semble bel et bien exister parmi les Européens, d’ordinaire beaucoup moins mobile que les Américains. Un signe : à la rentrée 2011, les Instituts Goethe enregistraient une augmentation spectaculaire des inscriptions en cours d’allemand, notamment en Espagne où le taux de chômage des jeunes atteint 50 %. À Berlin, on pouvait alors croiser de jeunes Grecs arrivés avec juste leur diplôme et leur sac à dos pour chercher un job et gagner leur vie.
Un bilan migratoire positif en 2011
Quel bilan, un an après? Le Statistisches Bundesamt, institut national de statistiques, vient de confirmer que l’Allemagne a connu une immigration massive en 2011, avec un bilan migratoire positif de 279 000 personnes. Les chiffres ne sont pas encore très détaillés, mais enfin, la réalité confirme les attentes. Pour la première fois depuis des années, la population allemande a augmenté, malgré un solde naturel fortement négatif. Le weekend suivant la publication des statistiques, journaux et stations de radio s’empressaient de faire le portrait de multitude de ces nouveaux arrivants, artisans, commerçants ingénieurs, chercheurs et autres.
Les Espagnols viennent en petit nombre
Maintenant vient le temps des contre-enquêtes : nouvelle vague ou vaguelette? Regardons l’Espagne. Certes, l’Allemagne a accueilli 15 834 immigrants venus de ce pays. Mais l’Espagne, elle, a connu une émigration de plus de 500 000 personnes en 2011, Espagnols (62 611) et immigrés récents confondus. En 2007, le pays avait accueilli presque un million d’immigrés qui, avec la crise, rentrent peu à peu dans leur pays. La mobilité des Espagnols reste très faible, avec seulement 0,13 % de la population parti chercher un travail à l’étranger, et pas nécessairement en Europe, mais en Amérique du Sud, aux Caraïbes ou aux États-Unis, là où l’on parle espagnol.
Les Portugais, encore moins
Et le Portugal, dont la population subit aussi très durement la crise? C’est au compte-goutte que l’immigration se fait en direction des pays européens. Elle est plus importante vers le Mozambique, l’Angola ou le Brésil, tous lusophones. L’Irlande connaît certes quelques cas d’aventuriers qui partent à Shanghai ou au Vietnam. Mais la plupart de ses émigrants empruntent les chemins traditionnels vers les pays anglophones.
Une partie de ces mouvements s’explique évidemment par la dynamique économique très inégale entre l’Europe et d’autres régions du monde. Mais la répartition des flux semble avant tout suivre une mélodie bien connue : mon pays, c’est ma langue!
26 septembre, Jacqueline Hénard
Source : La Croix
Mon pays, c’est ma langue
Publié dans Médias et migration
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