jeudi 4 juillet 2024 16:13

picto infoCette revue de presse ne prétend pas à l'exhaustivité et ne reflète que des commentaires ou analyses parus dans la presse marocaine, internationale et autres publications, qui n'engagent en rien le CCME.

Malgré la crise, l'Espagne attire toujours les Africains

Ils avaient pris l'Espagne pour un eldorado. La crise est vite passée par là. Pourtant, les immigrés africains dans la péninsule ibérique sont loin d'envisager un retour.

Ils sont des milliers à avoir caressé ce rêve d’un eldorado européen, à avoir tenté le voyage souvent au péril de leur vie.

En Europe, à cause de la crise, l'Espagne est l’un des pays les plus touchés par la récession. Ici, l’immigration est devenue un miroir aux alouettes pour beaucoup de personnes originaires d’Afrique qui se retrouvent en situation irrégulière, sans travail, sans logement, et sans avenir.

Un drame qui concerne des hommes et des femmes, «les immigrés», comme on les appelle ici, que l’on croise tous les jours dans les rues des villes espagnoles, mais qui ont un nom, un visage, une histoire.

Comme nombre de ses compatriotes sénégalais, Ata a tenté sa chance au mauvais moment. Il survit grâce à la générosité des associations caritatives comme Caritas et à l'aide chaleureuse de quelques volontaires.

En Afrique, il a laissé sa femme et ses trois enfants qui comptent sur lui pour vivre. Mais, comment les aider lorsque l’on n’a ni papiers ni travail.

«Rentrer les mains vides, c'est la honte»

«C’est ça le problème. Eux, ils dépendent de moi, et moi je dépends de qui? Ma situation est catastrophique, je suis en très grande détresse, Il n’y a pas de travail, je ne trouve que de petits boulots, d’une heure ou deux. Je suis obligé de demander de l’aide à Caritas pour avoir à manger.»

Pour autant, Ata n'est pas prêt à rentrer au pays:

«C’est le problème de l’immigration. L'espoir que vous avez, qui vous a poussé à quitter votre pays, pour trouver un avenir. Comment pouvez vous rentrer sans rien? Si tu rentres chez toi les mains vides, mais cela va être la galère. Même tes parents vont t’abandonner. Il y a des immigrés qui ont réussi, qui se sont débrouillés, alors toi si tu rentres sans rien tu seras abandonné par toute ta famille, même ta femme.»  

Ababacar Thiakh est responsable de la coopération au sein de l’association catalane des résidents sénégalais de Barcelone, ACRS, et aide les personnes en grande difficulté.

Plusieurs centaines de personnes, les plus démunies, survivent dans la capitale catalane et dans ses faubourgs en squattant dans des espaces industriels inoccupés, des logements surpeuplés, insalubres et des campements de fortune.

La situation se dégrade chaque jour un peu plus.

«C’est une situation limite non seulement à cause de la crise, mais parce que ces gens survivent depuis trop longtemps dans ces conditions inhumaines. Je n’ai pas de mots pour décrire la situation. J'ai très peur de la façon dont les choses peuvent évoluer, et je crains beaucoup l’avenir, en raison du type de société que nous sommes en train d’engendrer. Il y a toutes les nationalités représentées, même des Espagnols qui ont tout perdu. Ils ne veulent pas vivre de l’aumône, alors ils se débrouillent en faisant les poubelles, en devenant chiffonniers recycleurs, ou en vendant à la sauvette. Mais il y a des conflits internes. Ces logements de fortune n’ont ni eau ni électricité, certaines personnes se droguent, boivent. C’est un monde à part, comme un ghetto et c’est très dangereux que la société, au XXIe siècle, ne prenne pas la peine de le regarder en face.»

L’association ACRS, tente d’instituer un dialogue avec les autorités locales, et d’aider au retour mais sous conditions.  

«C’est très difficile de rentrer, explique Ababacar Thiakh, C’est un rêve qui se brise, tout le monde peut le comprendre. Si j’ai choisi immigrer c’est pour réussir. Si tel n’est pas le cas, et que ce projet était collectif, comment rentrer? Les Africains qui voyagent ne le font pas à titre individuel , ils ont beaucoup de responsabilités, des familles. Les envois de fonds des personnes immigrées, les statistiques de l’ONU le démontrent, sont plus importantes que l’aide internationale au développement.»

«On ne peut forcer personne à rentrer»

Malgré les difficultés, beaucoup veulent rester, même pour quelques euros gagnés quelques heures par jour.

«Ils ont la foi, l’espoir. Ils n’ont pas de logement mais gagnent un peu d’argent, ils tirent leur charriot de supermarché à la recherche d’un peu de cuivre, de plomb, pour 10 ou 15 euros par jour. Avec ce maigre capital, ils arrivent à économiser et à envoyer un peu d’argent à leur famille. Il y a du travail, celui que les autres ne veulent pas faire.»

Adama Dieme, 38 ans, d’origine sénégalaise, marié à une Espagnole, professeure d’économie et d’anglais, est l’exemple même de ces jeunes immigrés africains qui réussissent.

Adama est particulièrement apprécié dans le petit bourg où il réside, La Bisbal d’Empordan, au nord de la Catalogne. Il a été l’un des collaborateurs de l’association Trampoli, en charge de grands handicapés, et à ce titre, est aujourd’hui très apprécié par les habitants de la petite ville.

«Il y a des personnes dont les parents ont vendu leur maison ou qui ont fait un emprunt avec une hypothèque pour permettre le voyage en Europe, pensant qu'une fois ici, elles pourraient trouver du travail et rembourser le crédit... Donc, c’est très difficile de rentrer dans ces conditions... D'autre part, il y a des jeunes qui ont tellement risqué leur vie pour venir ici que le fait de ne pas travailler n'est pas plus risqué que l'aventure  du voyage.»

«Si la richesse n'existe pas là où se trouve les gens, alors les gens iront là où elle se trouve, c’était la prophétie de Keynes (économiste britannique)», explique Ababacar Thiakh qui, selon ce principe, milite pour une immigration organisée et des opportunités pour tous.

«Pourquoi, un Hollandais peut-il venir sans problèmes en Espagne, s’installer et repartir et pas un Africain?»

Adama conclut:

«Le conseil que je donne aux aventuriers qui veulent tenter leur chance en Europe, c’est de patienter au moins 3 ans , le temps de voir comment évolue la crise.»

2/10/2012, Martine Audusseau Pouchard

Source : Slateafrique

Google+ Google+