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La politique migratoire de l'UE doit rompre avec les pratiques répressives de l'ère Khadafi

Par 33 députés européens issus des Verts – Alliance Libre Européenne (Les Verts/ALE), de l’Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe (ADLE), de la Gauche unitaire européenne (GUE) et de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates

Près d’un an après la fin officielle de la guerre en Libye, le pouvoir central peine à asseoir son autorité sur les différentes milices qui ont contribué à renverser le régime. Comme dans toute situation d’instabilité politique, sécuritaire et sociale, les plus vulnérables deviennent bouc-émissaires. Et dans la Libye d’aujourd’hui, plus encore que dans la Libye de Khadafi, ce sont les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés, notamment originaires d’Afrique subsaharienne, qui paient ce lourd tribut.

Dès le déclenchement du conflit le 17 février 2011, les migrants, parfois assimilés à des mercenaires servant la cause de Khadafi, se sont trouvés menacés et l’exode a été massif. Tous ne sont pas partis et aujourd’hui encore la Libye continue d’attirer des milliers d’Africains subsahariens, fuyant les persécutions dans leur pays ou cherchant du travail.

Mais hors de toute légalité et sur un fond de racisme indéniable, ils sont traqués par des groupes d’ex-rebelles (les Katibas), qui se sont assignés la responsabilité « de nettoyer le pays de ces migrants qui apportent maladie et crimes ». Tel est le constat alarmant que rapporte une délégation de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), Migreurop et Justice sans frontières pour les migrants (JSFM), qui s’est rendue en Libye en juin 2012.

Les Katibas arrêtent les migrants « au faciès » aux points de contrôle ou à leur domicile, au prétexte qu’ils ne disposent pas d’autorisations en règle. Or ces autorisations ne sont délivrées par personne dans le chaos administratif actuel. Ils sont ensuite enfermés dans des centres de détention improvisés, gérés par ces mêmes milices où ils sont soumis à des conditions de vie inhumaines et dégradantes. Enfermés à longueur de journée dans des locaux privées d’air et surchauffées, dans des conditions d’hygiène et d’alimentation déplorables, les migrants sont soumis à la seule loi de leurs gardiens qui ne se réfèrent à aucune autorité légale. Les violences physiques et psychologiques sont monnaies courantes. Et à l’humiliation des conditions de détention, s’ajoute l’anxiété de ne pas savoir quand et comment ils pourront retrouver la liberté.

Il y aurait eu jusqu’à 100 de ces centres dans l’immédiat après guerre. On en compterait aujourd’hui une vingtaine. La délégation a pu en visiter 8.

L’Union européenne et ses Etats membres ne semblent guère se soucier du sort de ces personnes et semblent même persister dans une politique privilégiant la fermeture de ses frontières et le financement des centres de détention de l’autre côté de la Mer Méditerranée.

Or selon les témoignages recueillis, les migrants originaires des pays voisins de la Libye ou d’Afrique de l’Ouest, n’ont aucun projet de se rendre en Europe mais souhaitent avant tout trouver du travail en Libye. Seuls ceux qui fuient les conflits de la Corne d’Afrique et sont en quête d’une protection internationale à laquelle ils peuvent légitiment prétendre, cherchent à quitter ce pays qui n’a pas ratifié la Convention de Genève de 1951 et ne dispose d’aucun système d’asile. Le Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR) en Libye n’a pas de statut formel et ne peut donc garantir leur protection. Ce sont ces réfugiés potentiels qui, dans un geste désespéré, embarquent sur des bateaux de fortune pour tenter de trouver une terre d’asile sur le continent européen. Les Etats membres de l’UE doivent cesser de faire l’autruche et proposer à ces réfugiés la réinstallation sur leur sol afin de leur faire bénéficier d’une protection effective et pérenne.

Alors qu’un nouveau gouvernement se met en place en Libye, et que de nouveaux accords de coopération entre l’Europe et la Libye se préparent, il convient d’arrêter de traiter la question des migrants sous l’angle sécuritaire et de promouvoir la mise en place de règles qui assurent aux migrants, réfugiés et demandeurs d’asile la pleine jouissance de leurs droits. Un accord doit être conditionné, non pas à la lutte contre l’immigration irrégulière, mais au respect des obligations internationales et des droits des migrants par toutes les parties prenantes. Cela est d’autant plus urgent que la Libye, et les entreprises européennes qui y investiront, auront à nouveau besoin dans les mois à venir de main d’œuvre étrangère pour reconstruire et développer l’économie. L’UE doit contribuer à cette mobilité avec ambition et responsabilité, et pour cela, développer une politique de visas plus souple et ne pas forcer la Libye à réadmettre ceux qui n’en sont pas des ressortissants.

Le 25 juin 2012, le Conseil de l’Union européenne s’engageait à promouvoir les droits humains « dans tous les domaines de son action extérieure, sans exception ». Sa politique migratoire serait-elle une exception?

10 octobre 2012

Source : Libération

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