Un sujet qui a de tout temps suscité l’intérêt des cinéastes, et ce en rapport avec son évolution dans le temps et l’espace. À ce propos, le réalisateur Saâd Chraibi a expliqué que la vision des cinéastes s’est transformée avec la transformation du phénomène de l’immigration lui-même, c’est-à-dire du nomadisme à une autre forme d’immigration transsaharienne. C’est ainsi que les visions ont changé et les images aussi.
«Les images que présentent les cinéastes contemporains des immigrés sont plutôt celles du désorienté, désoeuvré qui fuit son pays du Sud, aux conditions de vie difficiles, vers un eldorado illusoire et un mirage qu’il voit à travers les médias occidentaux. Donc, la dimension des images devient sociale et économique et non artistique. Entre les images de dénonciation du phénomène et celles qui le soutiennent, les avis divergent et ne peuvent pas présenter une cohérence d’analyse ni de traitement cinématographique.
Ces films ne traitent plus les histoires des gens, mais traitent des gens à histoire. Cela relève plus d’un travail documentaire que d’une fiction qui incite à réfléchir et à rêver», souligne Saâd Chraibi. Et d’ajouter que dans tous les cas, aucun de ces films qui traitent de la situation de l’immigré soit à partir de son pays d’origine, de transit ou d’accueil ne peut être représentatif d’une approche globale et/ou analytique.
«Ces films réalisés, aujourd’hui, par des cinéastes du Sud se limitent souvent à la dénonciation des conditions de vie de l’immigré et les présentent comme justification de l’immigration.
Tandis que les films réalisés par les cinéastes du Nord dénoncent de plus en plus l’apport négatif que cette immigration produit sur leurs sociétés. Nous avons, ainsi, deux visions, deux approches différentes, voire contradictoires, mais non complémentaires. Par contre, ni les uns ni les autres ne peuvent constituer un modèle représentatif du phénomène».
Dans la lutte pour la dignité des immigrés «clandestins», «le cinéma, selon Saâd Chraibi, joue le rôle d’observateur, d’accompagnateur, du passeur d’un moment de l’histoire du monde à une époque où le matériel prend le dessus sur le spirituel, où l’individu prime par rapport à la collectivité et où le pouvoir phagocyte la cohabitation. Et je doute fort que les films sur ce sujet puissent réconforter une vision saine, constructive et humaine sur le monde.» De son côté, le réalisateur palestinien, Abou Sidu, a fourni un bref exposé sur le cinéma de son pays, relatant par là les difficultés et obstacles qu’il rencontre quotidiennement pour son épanouissement : «Le cinéma palestinien a été victime de l’instabilité que vit le pays. Malgré cela, plusieurs cinéastes ont pu écrire l’histoire de la Palestine à travers la voix et l’image. Mais, malheureusement, la majorité de nos archives ont été volées par le colonisateur. L’absence de l’enseignement cinématographique en Palestine a poussé nos jeunes à aller faire des études et travailler à l’étranger.
N’empêche qu’il y a eu des tentatives dans la thématique de l’immigration. L’exemple le plus illustrant est celui du film “Bab Chems” (la porte du soleil) de Yousri Nasrallah. Plusieurs autres films racontent, également, la vie palestinienne et ses souffrances, l’histoire de l’immigration des Palestiniens de ville en ville et de pays en pays, ainsi que toute la problématique de l’immigration dans la région. Car le rôle du cinéma est de transcrire la vie des peuples. C’est un outil formidable pour mettre à nu la souffrance des immigrés et les inciter à revenir dans leur pays d’origine».
Le réalisateur burkinabé St Pierre Yaméogo a, quant à lui, expliqué comment sont nés les flux migratoires en Afrique, d’un pays à l’autre, à travers l’histoire de son film «Bayiri : La patrie» où des rebelles tentent un coup d’État mettant la Côte d’Ivoire dans le chaos. Les émigrés burkinabés vivant dans un village ivoirien sont alors chassés du pays. C’est là où Yaméogo, illustre, avec des images poignantes, les souffrances de ces exilés meurtris et dont les familles furent en majorité fracturées. «Ces guerres ethniques ou civiles ont accentué le flux migratoire dans beaucoup de pays d’Afrique», précise St Pierre Yaméogo.
Palmarès du Concours du scénario
Parmi les douze scénarios participants au Concours de la neuvième édition du FIFT à Zagora, le jury composé par l’écrivain, scénariste et critique cinématographique marocain, Mustapha Mesnaoui, le producteur et réalisateur français, Laurent Bouhnik, le comédien algérien, Hassan Quachach, le réalisateur égyptien, Ezzeddine Said et la comédienne syrienne Lina Mrad, a élu le scénario «Le jaune et le bleu» de Chami Lahcen comme premier gagnant. Le deuxième prix est revenu à Sahib Marouane pour son scénario «Parfum de mer». La troisième place a été attribuée à Daoudi Mohamed Faraj pour «Malak» et le prix spécial du jury à Moulay Taib Alaoui pour son scénario «Des milliers de serrures». Le jury est sorti avec deux principales recommandations adressées aux jeunes scénaristes, en leur conseillant de se rapprocher plus de la réalité de leur société dans l’écriture, puis la seconde insistant sur la production des quatre gagnants par l’association Zagora du film transsaharien. La cérémonie de clôture s’est distinguée par deux hommages rendus, respectivement, au comédien Mohamed Benbrahim et au scénariste, Mohamed Asmaî.
13/11/2012, Ouafaâ Bennani
Source : Le Matin