Flux migratoires, taux d'activité, travail, productivité, pays émergents... Neuf économistes de l'OCDE ont planché sur les grands défis de l'économie mondiale. L'analyse de Massimo Prandi.
L'exercice n'est pas des plus aisés. Il est pourtant indispensable. S'essayer à imaginer l'avenir économique de la planète à cinquante ans permet de dépasser la navigation à vue qui est trop souvent synonyme de manque de stratégie et d'idées fortes. Neuf économistes de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont tracé les grands défis de l'économie mondiale à l'horizon 2060. Parmi les déterminants de la croissance de long terme, cinq éléments méritent un intérêt particulier car, souvent, ils tranchent avec des croyances bien établies dans les milieux des décideurs.
1. Seuls des flux migratoires importants pourront compenser le vieillissement des populations
Les experts de l'institution internationale jugent qu'« à long terme, le solde migratoire net pourrait avoir un impact considérable sur l'accroissement démographique et la population en âge de travailler si les flux migratoires restent suffisamment importants et se maintiennent dans le temps ». D'ici à 2060, précisent-ils, le ratio de dépendance démographique (le rapport entre la population inactive et la population active) va s'envoler de 26 %. Si le solde migratoire vers les économies avancées se maintient dans les proportions actuelles, « la migration nette ne saurait compenser les conséquences négatives du vieillissement démographique sur la population active ». Conclusion : il faut renforcer considérablement les politiques d'immigration.
2. Il faut des nouvelles réformes structurelles pour éviter la poursuite de la chute du taux d'activité
Le maintien, voire l'amélioration, du rapport entre le nombre d'actifs (actifs occupés et chômeurs) et l'ensemble de la population correspondante est l'un des problèmes les plus délicats à traiter aujourd'hui et dans les décennies à venir. Les réformes des retraites entreprises dans un grand nombre de pays en témoignent. Mais on est encore loin du compte. « Dans l'hypothèse de politiques inchangées, les pays à haut revenu devraient voir baisser de 5 % en moyenne leur taux d'activité de la population âgée de plus de 15 ans au cours des cinquante prochaines années », alertent les économistes de l'OCDE. Quelles solutions ? D'abord, allonger « la durée de la scolarité fait baisser le taux d'entrée des cohortes de jeunes dans la population active ». Ensuite, faire en sorte que « l'âge légal de la retraite soit indexé sur la longévité de façon à ce que la part de vie active dans la vie totale pour chaque cohorte reste stable ». Ce sont les deux conditions pour faire en sorte que le taux d'activité reste « à peu près constant à son niveau actuel de 60 % au cours du prochain demi-siècle ».
3. La hausse de l'accumulation du capital humain sera de plus en plus la clef de la croissance
Le futur est au « general intellect », selon la formule bien connue de Karl Marx. La croissance dépendra de plus en plus de la qualité du travail et pas de sa quantité, assurent les rédacteurs de l'étude. « Si, dans l'ensemble, la quantité de travail consommée dans la production ne semble pas devoir être un élément clef de la croissance, les améliorations de la qualité du travail, en revanche, joueront un rôle déterminant. » Le débat public sur le temps de travail d'aujourd'hui devrait ainsi céder progressivement la place à celui sur l'efficacité et la qualité de l'activité créatrice de valeur. « On prévoit que le nombre d'années de scolarité de la population adulte augmentera de deux ans en moyenne au cours des cinquante prochaines années. » Fait significatif, les pays qui affichent le potentiel le plus important en matière de progression du niveau d'éducation sont l'Inde, la Chine, la Turquie, le Portugal et l'Afrique du Sud, établit l'OCDE. On note l'absence dans cette liste des pays de l'Occident développé...
4. Plus que la hausse de l'intensité capitalistique, ce sont les efforts de productivité qui seront le moteur de la croissance
L'industrie lourde a définitivement fait son temps. Définie par un taux élevé d'immobilisations corporelles (capital productif non résidentiel) par rapport aux effectifs ou à la valeur ajoutée, elle ne sera pas le levier de la croissance du demi-siècle, à venir en dépit des contre-exemples récents de la Chine et de l'Inde. « Dans la plupart des économies développées, mais pas toutes, le rapport du capital productif non résidentiel (à l'exclusion du logement) à la production tendancielle a été relativement stable et il est prévu qu'il le restera au cours des prochaines décennies », résume l'étude. En revanche, « les gains d'efficience seront le principal ressort de la croissance ». L'OCDE anticipe une hausse moyenne de 1,5 % à l'échelle mondiale de la productivité totale des facteurs de production. La progression de la productivité dépend de deux facteurs, rappelle l'organisation : « l'ouverture aux échanges et l'intensité de la concurrence sur le marché intérieur ». Sur ce point, l'OCDE fait preuve de confiance : « Sur un horizon de plusieurs décennies, il est probable que ces réglementations s'adapteront aux évolutions de la situation économique et que les pays où elles étaient au départ relativement restrictives en matière de concurrence convergeront peu à peu vers l'environnement plus ouvert et plus concurrentiel. »
5. Le soutien à la croissance mondiale des pays émergents faiblira
« Au cours du prochain demi-siècle, l'économie globale affichera un taux de croissance de l'ordre 3 % par an en moyenne, principalement attribuable comme dans le passé à l'amélioration de la productivité et à l'accumulation de capital humain », résume l'organisation. Les pays émergents, qui ont bénéficié d'une croissance moyenne de plus de 7 % par an pendant la dernière décennie, verront la hausse de leur PIB tomber autour de 5 % dans les années 2020 et se réduire encore de moitié environ dans les années 2050. La Chine sera dépassée par l'Inde et l'Indonésie au classement des pays à la croissance la plus rapide. Encore un bouleversement de taille dans un monde dont les économies seront de plus en plus intégrées.
13/11/2012,, MASSIMO PRANDI,
Source : Les Echos.fr
Les cinq défis de l'économie mondiale à l'horizon 2060
Publié dans Médias et migration
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