A moins de deux kilomètres de la Grande Mosquée de La Mecque et de ses palaces, des bidonvilles s'étagent sur les collines entourant le premier lieu saint de l'islam, et leurs habitants craignent l'éviction dans le cadre de projets de modernisation.
Sur le mont Omar, immigrants légaux et illégaux coexistent avec les chats, les lézards et les moustiques, au milieu d'amoncellements de détritus.
Des enfants et des vieillards en haillons circulent au milieu des égouts dans les ruelles qui serpentent le long de la colline escarpée, sur laquelle s'étagent des maisons misérables en brique.
La colline est divisée en quartiers, selon les nationalités des immigrants: il y a d'abord le quartier yéménite, puis celui des Africains, et tout au haut de la colline, celui des Birmans.
"Je suis arrivé ici du Yémen quand j'avais 15 ans. Je travaillais comme plombier, mais maintenant que je suis vieux et faible, je suis devenu concierge", dit Abou Ali, 58 ans.
Jusqu'en 1991, les Yéménites n'avaient pas besoin de visa pour venir en Arabie saoudite à la recherche de conditions de vie meilleures que dans leur pays, le plus pauvre de la Péninsule arabique.
D'ailleurs, Abou Ali est convaincu que malgré ses conditions de vie épouvantables, "je vis beaucoup mieux ici qu'au Yémen".
Un peu plus haut sur la colline, Mohammad Saleh, 24 ans, est assis sur une marche usée avec ses amis.
"Je n'ai pas pu poursuivre mes études à la suite de la maladie de mon père, atteint d'un cancer", dit ce Yéménite qui est né sur le Mont Omar.
Désormais sans emploi, ce jeune homme affirme lui aussi être "heureux" malgré tout dans ce quartier où il a passé toute sa vie. "Tant que je suis dans les montagnes, je suis bien", dit-il.
Selon lui, "les crimes et les vols sont plus fréquents lorsque vous montez plus haut dans la montagne. Ici, nous n'avons pas de tels problèmes".
Les habitants du Mont Omar, qui y habitent depuis 40 ou 50 ans pour certains, n'ont qu'une hantise: que les autorités saoudiennes démolissent tout le quartier dans le cadre de travaux de modernisation.
"Je paye un loyer mensuel de mille riyals (267 dollars). Si je perds ma maison, je ne pourrai rien trouver à moins du double", dit Abou Ali. "Cela représenterait tout mon salaire", ajoute-t-il.
Le maire de La Mecque, Osama Albar, a affirmé que le projet de développement de cette zone devrait coûter environ trois milliards de dollars et se dérouler en plusieurs phases.
Les habitants du Mont Omar auront le choix entre revendre leurs propriétés au gouvernement, ou devenir actionnaires du nouveau projet.
Les locataires seront aidés à trouver des appartements à des prix similaires à ce qu'ils payent sur le Mont Omar.
Les autorités mènent déjà depuis des années des travaux d'agrandissement autour de la Grande Mosquée pour tenter de loger le nombre croissant de pèlerins chaque année, et les vieilles maisons en brique cèdent la place à des gratte-ciel.
Quelque 70 bidonvilles constituent environ le quart de la surface urbaine de la ville sainte, selon le site web de l'Autorité de développement de La Mecque.
Quant à la compagnie de développement du Mont Omar, elle annonce développer un projet comprenant des immeubles résidentiels, des tours et des centres commerciaux sur une surface de 230.000 mètres carrés.
Au pied de la colline, des Africaines, pour la plupart originaires du Nigéria, vendent sur des étals à même le sol de la nourriture, des habits et des tapis aux centaines de milliers de fidèles en pèlerinage à La Mecque.
"Nous vendons de tout", dit Shaza, 16 ans, venue avec une amie de sa mère. "Nous nous en sortons. Mais nous avons peur que nos maisons soient détruites".
Dans ce cas, "nous ne savons pas ce que nous ferons. Si nous pouvons, nous resterons ici. Et si nous n'avons pas le choix, nous rentrerons chez nous".
14 nov 2012, Lynne NAHHAS
Source : AFP