La RATP a refusé des affiches du Collectif contre l'islamophobie en France. L'association n'exclut pas un recours.
C'est une interprétation artistique très libre du Serment du Jeu de paume du peintre David. Version 2012, la majorité des citoyens portent la barbe et la quasi-totalité des citoyennes sont voilées. On distingue bien, au centre, ce qui pourrait être un juif, affublé de péots (longues mèches de cheveux des juifs orthodoxes) et une caricature de prêtre, portant une ébauche de croix. Mais une seule femme noire, dans un coin sombre, et aucun Asiatique…
Quel message le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) a-t-il voulu faire passer avec cette campagne intitulée «Nous sommes la nation»? Quel type de Constitution ces citoyens-là se proposent-ils de rédiger? Malgré nos appels téléphoniques répétés depuis dimanche dernier, aucun membre du CCIF n'a trouvé le temps de répondre au Figaro.
«La version revisitée de ce tableau montre une foule de citoyennes et de citoyens se saisissant du drapeau, se réunissant pour le mieux-vivre ensemble, dans le respect des différences de chacun, pour une restauration des valeurs fondatrices de la République, précise toutefois le dossier de presse. Dans cette foule, les Français musulmans revendiquent leur pleine appartenance à la nation, la pleine compatibilité de leur citoyenneté et de leur pratique religieuse.»
Devant «l'explosion» des actes islamophobes, le Collectif a lancé début novembre «un mois de réflexion pour combattre les idées reçues». Affichage sur le périphérique parisien, spots sur des radios (Europe 1, Beur FM), tournée de conférences en France, la campagne utilise «des images fortes» pour «détruire les clichés». À la Fondation Open Society, créée par le milliardaire juif américain George Soros, qui a accordé 35 000 euros au CCIF pour «sensibiliser les Français» on affirme ne «pas avoir été consultés sur les visuels et les slogans». Responsable du projet «At home in Europe», Nazia Hussain trouve cependant que «l'image semble refléter la diversité ethnique de la société française».
Fin de non-recevoir
Mais après avoir vu ces affiches, à quelques jours seulement du démarrage de la campagne, la RATP a refusé de les placarder. «Médiatransport nous a imposé un refus au motif que l'identité de l'annonceur et les trois visuels revêtaient un caractère confessionnel et politique et contrevenait à la convention les liant à la RATP», a expliqué à l'AFP Lila Charef, responsable du service juridique du CCIF. Dans une longue lettre, le PDG de Metrobus, Gérard Unger, souligne que «dans le contexte actuel, que nous sommes tenus de prendre en considération, le slogan “Nous sommes la nation” et l'utilisation d'un emblème de la nation française qu'est le drapeau français relèvent du politique».
Une fin de non-recevoir jugée «surréaliste» par Marwan Muhammad, porte-parole du CCIF, qui regrette, sur le site Newsring, que le «simple affichage d'une campagne contre l'islamophobie soit appréhendée comme un acte politique et de prosélytisme religieux, alors que le collectif n'a aucune visée partisane». Pour le CCIF, ce refus s'inscrit «dans un contexte où le système médiatico-politique stigmatise les musulmans». Le collectif en veut pour preuve les récentes unes d'hebdomadaires comme L'Express ou Le Point, représentant des femmes voilées, qui n'ont eu aucun problème à se voir afficher dans les couloirs du métro. S'estimant «lésé» par le refus de Metrobus, il n'exclut pas un recours judiciaire.
14/11/2012, Stéphane Kovacs
Source : Le Figaro