Cinq associations intervenant dans les centres de rétentions administratifs ont dénoncé mardi le nombre élevé d'étrangers expulsés du territoire français depuis l'outre-mer (31.000), le durcissement de ces conditions d'éloignement depuis l'entrée en vigueur de la loi Besson à l'été 2011 et la "politique du chiffre" du précédent gouvernement, tout en demandant "une réforme en profondeur" au nouveau exécutif.
Le nombre d'étrangers expulsés depuis les départements d'outre-mer représenterait près de la moitié des éloignements du territoire français: 31.335 en 2011, sur un total de plus de 64.000, affirment l'Ordre de Malte France, France terre d'asile, l'Association service social familial migrants (ASSFAM), Forum Réfugiés et la Cimade. Ce chiffre, "absent de la communication ministérielle", regrettent-elles dans un rapport présenté mardi, inclut l'expulsion de 5.389 enfants depuis Mayotte.
Les statistiques officielles pour 2011 font état de 32.000 éloignements depuis la métropole. Un chiffre qui englobe les 17.072 personnes forcées de quitter le territoire et les 15.840 retours "volontaires", personnes qui partent avec une contrepartie financière. Plus de la moitié de ces retours volontaires, 56%, concernent des ressortissants roumains et bulgares.
Un tiers des éloignements a concerné des Roumains et des Bulgares
Comme en 2010, "l'administration a poursuivi coûte que coûte une politique de quotas d'éloignement dont le résultat chiffré doit être dépassé chaque année", commentent les associations. Un tiers des éloignements (32%) en métropole ont concerné "des Roumains et des Bulgares se disant Roms pour la plupart", écrivent les auteurs. Le rapport indique aussi que de nombreux Tunisiens, "dont une bonne part venait de quitter leur pays en plein Printemps arabe, ont rempli cette même fonction dans le cadre de la politique du chiffre".
Le rapport relève par ailleurs un "recours massif" à la rétention avec au moins 51.385 étrangers enfermés dans des centres de rétention en 2011, dont 27.099 personnes outre-mer et 24.286 en métropole. Parmi ces personnes, 312 enfants étaient placés en rétention en métropole et 5.389 à Mayotte. Plus de la moitié des étrangers placés en rétention (56,1%) ont été remis en liberté dont une forte proportion (36,1%) par les juges administratifs ou judiciaires.
Les associations critiquent sévèrement la "loi Besson" entrée en vigueur en juillet 2011, qui a "permis à l'administration d'augmenter nettement le nombre de placements dans tous les centres de rétention". Deux dispositions sont particulièrement visées: l'allongement de la durée maximale de rétention de 32 à 45 jours et le report du contrôle du juge judiciaire du deuxième au cinquième jour de rétention".
"Cette loi a principalement permis à l'administration d'éloigner 25,3 % des personnes placées en rétention avant leur cinquième jour d'enfermement, sans qu'elles puissent défendre leurs droits devant un juge judiciaire", affirment les associations, qui soulignent que "la quasi-totalité des personnes étrangères retenues dans les départements d'outre-mer" sont dans ce cas, où la durée de rétention est même inférieure en moyenne à un jour, selon Jean-François Ploquin du Forum Réfugiés.
Une situation "catastrophique"
En 2012, "la loi Besson est toujours pleinement en vigueur. Le gouvernement n'a pas infléchi sa politique en terme de placements en rétention et de mesures d'éloignements", a affirmé mardi David Rohi de la Cimade. Il a également souligné un "besoin de réforme en profondeur" face à un "recul des droits en métropole et en outre-mer" parlant dans ce territoire d'une situation "catastrophique".
"Les alternatives à la rétention devraient être obligatoires", a encore plaidé M. Rohi, notamment dans le cas des familles où "la rétention doit être l'exception", a souligné Lucie Feutrier-Cook de l'Ordre de Malte France. "La rétention doit être la dernière mesure. Il faut une vraie réflexion sur l'assignation à domicile", a complété Pierre Henry, de France terre d'asile, notamment par "respect des engagements européens". M. Henry a également constaté que la circulaire du 6 juillet dernier, mettant fin à la rétention des enfants dont les parents sont en situation irrégulière sur le territoire français, "rend beaucoup plus difficile (leur) placement en centres de rétention".
La durée moyenne de rétention en métropole a également augmenté après l'entrée en vigueur de la loi Besson. Entre janvier et juillet 2011 elle était de 7,9 jours avant de passer à 11,2 jours pour les mois suivants. Sur l'ensemble de l'année 2011, la moyenne est de 9,7 jours, contre 10 jours en 2010.
20/11/2012
Source : AP