dimanche 24 novembre 2024 15:05

L'histoire de l'immigration: «La Cinémathèque possède des trésors»

En librairie depuis le 25 octobre, le livre «Étrangers d'ici», édité chez Privat, propose une exploration du thème de l'immigration en France, à travers 150 photogrammes tirés des collections de films de la Cinémathèque de Toulouse. Un projet pionnier sur lequel revient l'une de ses trois auteurs, Natacha Laurent, maître de conférences à l'université de Toulouse-Le Mirail et déléguée générale de la Cinémathèque.

Qu'apprend-on dans cet ouvrage sur l'histoire de l'immigration ?

On apprend déjà à la regarder. C'était notre premier objectif, partir des images et non pas d'un discours préétabli sur l'histoire de l'immigration en France. Des premiers films des années 1930 jusqu'au cinéma beur et aux films de banlieue des années 1990-2000, c'est tout un patrimoine visuel, souvent peu accessible et peu montré que nous partageons avec un large public. Chercher les visages, les images de l'immigration dans le cinéma, personne n'avait fait cela avant nous.

Des films traitant de l'immigration ont-ils été tournés à Toulouse ou dans la région ?

Nous avons découvert le film Métamorphose de Jean-Claude Bernard, datant de 1934, qui montre des immigrés au travail sur le chantier du barrage de Sarrans, dans l'Aveyron. Ce documentaire de 16mn rejoint un discours sur l'immigration qui fait l'apologie d'une communauté de travailleurs au service de la grandeur de la France. On n'est pas du tout dans la dénonciation du racisme qu'on peut trouver dans le cinéma des années 1970 ou 1980.

Pourquoi, alors que Toulouse reste peu prisée des cinéastes et des producteurs, la Cinémathèque a-t-elle conduit ce travail ?

Longtemps, Toulouse n'a pas été une ville de production de cinéma mais c'est en train de changer. Elle a néanmoins toujours été une ville cinéphile et ce n'est pas un hasard si elle abrite l'une des deux grandes cinémathèques en France avec une très riche collection qui à la fois porte une dimension nationale, notamment sur la question de l'immigration et en même temps se soucie de son ancrage régional. C'est pourquoi nous avons dans notre fonds des titres nationaux comme Wesh Wesh qu'est-ce qu'il se passe ? de Rabat Ameur-Zaïmèche ou Elise ou la vraie vie de Michel Drach mais aussi Métamorphose ou Azevedo de Louis Cros. Ce film semi-amateur de 1964 sur l'immigration portugaise n'a pas été tourné à Toulouse mais la structure de production, le Groupe des cinéastes indépendants, est toulousaine. Il y a eu aussi une autre expérience de production en Midi-Pyrénées, ce sont les Ateliers cinématographiques Sirventès (ACS) qui ont produit près de soixante-dix films dont certains se sont intéressés à la figure de l'immigré comme La Harka, en 1986, l'un des rares films traitant des harkis, avec Philippe Noiret et Marie Dubois.

Le livre révèle aussi des films qui n'existent plus qu'à Toulouse ?

Oui, c'est une autre forme de trésor. Certains films sont devenus très rares et la Cinémathèque de Toulouse en conserve la ou les dernières copies. C'est le cas de Soleil O, un film franco-mauritanien de 1967, très actuel, sur la dureté de l'accueil que peuvent parfois recevoir les immigrés.

3/12/2012, Johanna Decors

Source : La Dépêche.fr

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