dimanche 24 novembre 2024 15:10

Pour mieux faire face à la crise : Les Marocains d'Italie veulent coordonner leurs efforts

L'Organisation marocaine pour le développement, la solidarité et les droits en Italie (OMDSDI) a organisé samedi, en partenariat avec le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME), le ministère de la Coopération internationale et de l'Intégration italien,  les syndicats italiens et marocains et la région Emilie-Romagne, un colloque à Bologne sous le thème "Les Marocains en Italie: entre crise économique et sécurité sociale dans le pays d'origine".

La sécurité sociale et la crise que vivent les Marocains d'Italie ont été au cœur des discussions  en présence de représentants de partis politiques des deux pays, de syndicats, de la société civile italienne et marocaine, et de plusieurs associations marocaines de toute l'Italie.

Le fil conducteur des débats a été la convention de la sécurité sociale signée entre le Maroc et l'Italie le 18 février 1994, et qui n'est toujours pas ratifiée par le gouvernement italien. Cette convention prévoit l'égalité de traitement des ressortissants des deux pays en matière de sécurité sociale, la conservation de droits acquis ou en cours d'acquisition, ainsi que le transfert de toutes les prestations  et les droits entre les deux pays contractants.

Interrogé sur la possibilité d'une ratification prochaine de cette convention, Raffaele Finelli, conseiller de la province de Bologne et membre du parti démocrate (Partito democratico), a répondu que "l'Italie est le pire pays européen en termes de traitement des étrangers car il n' y a pas de culture d'intégration et la législation demeure archaïque". "Tous les gouvernements se ressemblent à ce point de vue, beaucoup d'efforts semblent être fournis pour l'acquisition de droits mais ce ne sont que des paroles. La culture d'intégration est très récente, car l'immigration ne date pas de longtemps. Si la coalition à laquelle le PD appartient gagne les prochaines élections, la ratification de la convention sur la sécurité sociale sera mise au top de l'agenda politique".
De son côté, Rita Ghedini, sénatrice et membre du même parti espère aussi la ratification et pointe du doigt la situation politique et la succession de nombreux gouvernements de droite depuis 1995. Elle explique que  le dernier rapport sur l'emploi en Italie est très mauvais, plus de 11% de chômage dont 35% parmi les jeunes, ce sont des chiffres lourds qui réduisent les offres d'emploi notamment pour les immigrés. Cette tendance a commencé en 2009, et il faut s'attendre à au moins deux années supplémentaires de crise. "Il y a certes un redressement mais il reste lent et l'emploi est affecté durablement. Cela est dû à l'évolution de la législation sur les droits de l'immigré qui a toujours connu un blocage surtout depuis la deuxième moitié des années 90 qui a vu se succéder des gouvernements de centre-droit et de droite, ce qui explique qu'il n'y a pas eu de ratification car ces gouvernements ont toujours fait preuve d'une attitude hostile", a-t-elle regretté, en ajoutant que ce n'est qu'après le départ de Berlusconi, que sous l'impulsion de son parti et de la conscience accrue des citoyens que les choses ont commencé à bouger s'attaquant seulement aux droits minimums. La nouvelle réglementation sur l'emploi a été adoptée pour permettre un soutien financier minimum en cas de chômage, et le prolongement du droit de séjour après la perte d'emploi a été garanti, après son annulation par la loi Bossi-Fini.

Tous les participants ont insisté sur la nécessité de rectifier cette convention par l'Italie, avec toutefois une révision des principales clauses vu le temps qui s'est écoulé depuis la signature.

"L'objectif étant de sensibiliser le plus grand nombre possible de personnes à cette question, il faut que les efforts des Marocains résidant à l'étranger se coordonnent pour exercer une pression sur le gouvernement italien" a affirmé Hamid Bichri, président de l'OMDSDI.

La plupart des intervenants, notamment les parlementaires et les syndicats marocains ont souligné la nécessité de constituer un lobby dans les pays d'accueil pour mieux "arracher les droits", et se sont dit prêts à tendre la main à tout moment.
Dans les faits, Fatima Abouelkaram, chef d'agence CNSS a expliqué : "Nous sommes incapables d'aider ces personnes qui rentrent d'Italie et réclament leurs pensions et des prestations diverses. Tant qu'il n'y aura pas de ratification, nous ne pourrons rien faire".

La communauté marocaine résidant en Italie a, de sa part, déploré "l'oreille sourde" qu'on lui tend dans les administrations des deux pays.

Le colloque a clos ses travaux par un nombre d'engagements notamment la création d'une commission de suivi qui devrait avoir sa première réunion en janvier prochain au Maroc. La majorité des intervenants en font désormais partie. Abdelhamid El Jamri, président du Comité des Nations unies sur les droits des migrants, qui a tenu à participer à ce colloque et s'est dit prêt à toute consultation qui irait dans le sens de l'amélioration des droits des migrants en général, a présenté aux participants plusieurs revendications. Parmi elles,  "étendre le débat au Maroc sur la question de la sécurité sociale au Maroc", "une surveillance  étroite de la part des parlementaires de la politique du gouvernement à propos des MRE", et "l'instauration de programmes spéciaux de la part du gouvernement italien pour les immigrés". Mais pour les décisions concrètes, les Marocains résidant en Italie devront attendre encore un peu.

3 Décembre 2012, Najoua Friguech

Source : Libération

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