lundi 4 novembre 2024 23:35

picto infoCette revue de presse ne prétend pas à l'exhaustivité et ne reflète que des commentaires ou analyses parus dans la presse marocaine, internationale et autres publications, qui n'engagent en rien le CCME.

Vote des étrangers : le PS à l’offensive

Ça ressemble à un sursaut. On croyait la promesse d’accorder le droit de vote aux étrangers lors des élections locales en passe d’être enterrée, voilà les socialistes qui se disent prêts à aller au bout d’une réforme que les électeurs de gauche attendent depuis trente ans.

D’un côté, le chef du PS, Harlem Désir, a choisi d’interpeller «tous les parlementaires» dans une lettre (lire ci-contre), que Libération publie en exclusivité. De l’autre, les députés socialistes ont mis hier une pression inattendue sur l’exécutif demandant «dans les plus brefs délais», un projet de loi reprenant en partie «l’engagement 50 de François Hollande» : «Le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans».

«Jean-Marc Ayrault va déposer le texte, au nom du gouvernement. Rien ne s’[y]oppose», a affirmé hier matin Thierry Mandon, porte-parole du groupe PS à l’Assemblée nationale. Les socialistes semblent ainsi changer de stratégie : se battre pour obtenir de l’exécutif le dépôt d’un projet de loi plutôt que de rendre les armes sans aller au combat.

Constitution. Jusqu’ici, c’était la ligne du chef de l’Etat qui prévalait. Mi-novembre, au cours de sa conférence de presse, Hollande avait été limpide : «Le gouvernement peut préparer le texte, mais il ne le déposera que si la perspective de son adoption est réunie. Je ne vais pas déposer un texte dont je saurais qu’il sera repoussé.» Car si la gauche détient la majorité à l’Assemblée et au Sénat, il lui faut obtenir les voix de trois cinquièmes des parlementaires réunis en Congrès. Or, il manque entre 50 et 30 voix à la majorité pour atteindre ce seuil indispensable à toute modification de la Constitution sans référendum. Une hypothèse que le chef de l’Etat, dans une période de crise, exclut.

«Nous avons la volonté que ce processus démarre», a déclaré Mandon hier. Avec un projet de loi du gouvernement et non une proposition de révision constitutionnelle d’initiative parlementaire qui conduirait de façon automatique… à un référendum. Les députés souhaitent donc qu’Ayrault leur soumette un texte entre «maintenant» et «l’été 2013». «Si on souhaite que la mesure s’applique en 2014, il faut que cette affaire soit réglée avant septembre 2013, précise Mathieu Hanotin, député de Seine-Saint-Denis. Il faut donner au moins trois mois aux gens pour aller s’inscrire sur les listes électorales.»

Opinion. Priés de ronger leur frein ces dernières semaines et d’accepter des mesures économiques difficiles, les députés PS tiennent leur bon de sortie sur une réforme dont beaucoup se voient reprocher, dans leur circonscription, son abandon. Leur chef de file, Bruno Le Roux, fait passer le mot d’ordre : «Il faut gagner la triple majorité.» Soit celles des deux chambres - déjà acquises - et celle de l’opinion - encore à conquérir. «Constatons-les et quantifions combien il nous faut de voix, décrypte Mandon. Dans cette bataille idéologique, on peut agréger.» Faire mûrir leurs arguments dans l’opinion. Et surtout mettre centristes et élus de droite - favorables pour certains au projet avant la campagne de 2012 - devant leurs contradictions. «On veut montrer qui sont les gens concernés», défend Philippe Martin, le vice-président du groupe. «Pourquoi un Anglais disposant d’une résidence de vacances pourrait-il aujourd’hui voter et pas le maçon algérien qui est là depuis des décennies ?» cite en exemple un député.

Ayrault peut-il annoncer rapidement le dépôt d’un projet de loi ? Hier, Matignon et l’Elysée se sont bien gardés de réagir aux initiatives du groupe à l’Assemblée et du premier secrétaire du PS. «On prend bonne note», éludait l’entourage du Premier ministre. Mais lorsqu’on connaît la prudence dont font preuve Le Roux et Désir, on imagine mal qu’ils aient pris une telle initiative sans l’aval du Premier ministre. Si «pression» sur l’exécutif il y a, elle paraît donc maîtrisée. En attendant le dépôt d’un projet de loi par le gouvernement, Désir se dit prêt à rencontrer des parlementaires «centristes et humanistes» pour les rallier à la cause. Le Roux avait déjà demandé à ses proches de pointer les députés de l’opposition prêts à se joindre. Sans résultat pour l’instant. «Où vont se faire les ralliements ? Dans les loges parlementaires», glisse un élu de l’ouest. Plus que sur la fraternité maçonne, d’autres tablent sur le travail militant. Si la direction du PS donne la priorité à la campagne lancée lundi en faveur du mariage pour tous, des cadres ont demandé à leurs fédérations d’inciter les électeurs à interpeller par «carte postale ou par lettre» leur député UMP. «L’amertume d’un renoncement serait pire que la déception d’un échec», défend Philippe Martin, empruntant au passage une citation à Jacques Fouroux, ancien capitaine de l’équipe de France de rugby : «Il n’y a pas de citadelle imprenable, il n’y a que des citadelles mal attaquées.»

11 décembre 2012 , LILIAN ALEMAGNA

Source : Libération

Google+ Google+