La réélection décisive du président américain Barack Obama, en novembre, a mis en évidence le visage changeant des États-Unis, les «libéraux» espérant que les minorités culturelles, particulièrement, mènent le pays sur la voie multiculturelle pour entrer résolument dans le 21e siècle.
Le Parti républicain, pendant ce temps, procède à un profond examen de conscience, pour tenter de déterminer de quelle façon se réinventer et élargir son pouvoir d’attraction, en raison de la diminution de la tranche de la population qui demeure son principal électorat: les hommes blancs vieillissants.
Malgré toutes les querelles partisanes qui ont paralysé la capitale américaine au cours des quatre dernières années, un dossier a quand même le potentiel d’unir les républicains et les démocrates en 2013: la réforme de l’immigration.
M. Obama désire aller de l’avant avec une réforme en profondeur du système national d’immigration dès le mois prochain, une fois que les négociations en cours sur le précipice fiscal seront terminées.
Le président de la Chambre des représentants, le républicain John Boehner, a lui-même admis qu’une telle réforme était nécessaire, malgré le fait qu’il ait voté contre le «Dream Act» en 2007. Ce projet de loi, finalement défait, aurait offert une voie vers la citoyenneté aux millions d’immigrants illégaux présents au pays.
M. Obama a d’ailleurs été réélu avec un appui quasi-unanime des Hispaniques, le groupe à la plus forte croissance démographique des États-Unis. Le président a même obtenu un appui record de 47 pour cent des voix des Américains d’origine cubaine, qui votaient normalement pour le Parti républicain.
Sa victoire du 6 novembre survient au milieu d’une période de grandes transformations pour les États-Unis. En 2011, les naissances chez les minorités culturelles ont pour la première fois dépassé les naissances chez les Blancs. En 2042, la majorité des Américains ne seront plus blancs.
Si les républicains ont, au fil des ans, laissé entendre que la question de l’immigration les intéressait — particulièrement lors des mandats présidentiels de George W. Bush —, un expert dans ce domaine, Louis DeSipio, professeur associé en science politique, n’en est pas convaincu.
«Les dirigeants du Parti républicain ont certainement compris que la réforme de l’immigration est nécessaire pour bâtir des ponts vers les minorités, particulièrement avec les Hispaniques et les Américains d’origine asiatique, mais je ne suis pas sûr que ce sentiment d’urgence est partagé par la base du parti», a-t-il estimé.
Selon lui, la plupart des républicains au Congrès sont en fait incapables de saisir l’ensemble du tableau.
Sur la colline du Capitole, toutefois, les Hispaniques républicains ont déjà entamé des rapprochements avec leurs collègues démocrates pour amorcer des négociations.
Les donateurs latino-américains, qui ont aidé à en finir avec les ambitions présidentielles de Mitt Romney, sont aussi déjà à l’oeuvre, en coulisses, pour créer une importante présence en ligne et sur les médias sociaux afin de faire pression sur le Congrès. Le «Futuro Fund», l’un des principaux contributeurs politiques de Barack Obama, est à l’origine de cette initiative.
Malgré des relations tendues entre la présidence démocrate et l’électorat hispanique, M. Obama a relancé, depuis sa réélection, les démarches pour présenter une série de réformes, notamment la citoyenneté américaine pour des sans-papiers, des mesures de sécurité accrues à la frontière avec le Mexique, et des pénalités plus importantes pour les employeurs qui embauchent des immigrants illégaux en toute connaissance de cause.
Pour M. DeSipio, le système d’immigration du Canada pourrait d’ailleurs s’inviter dans le débat. «L’un des éléments que nous pourrions utiliser dans un projet de loi inclusif est une version du système de points utilisé par le gouvernement canadien», avance-t-il.
Ottawa octroie effectivement des points aux immigrants potentiels en fonction de leur instruction, de leur expérience de travail, de leurs moyens financiers et de leur sens des affaires.
19/12/2012, Lee-Anne Goodman
Source : Metro/La Presse Canadienne