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Quand les doyens des immigrés Marocains aux Pays-Bas découvrent le Parlement néerlandais

Depuis leur arrivée aux Pays-Bas, trois ou quatre décennies plus tôt, Lhaj Radi, Znati et Zyani suivaient, via la télévision, les séances de débat au Parlement néerlandais, dont ils étaient l'objet à maintes reprises. Mais ils n'avaient pas l'occasion, à l'instar des natifs, de s'y rendre, leur premier souci étant un gagne-pain pour garantir à leurs descendants "la vie digne" qu'ils n'ont pas eue.

Vendredi 21 décembre 2012. Elle était 13h15 (heure néerlandaise) lorsque des doyens des émigrés maroco-néerlandais débarquent à La Haye en provenance d'Amsterdam pour découvrir, pour la première fois, la Tweede Kamer (2-ème chambre) à l'invitation de "la maison de démocratie et de l'Etat de droit" (ProDemos - Huis voor democratie en rechtsstaat) et l'association des Marocains âgés (Marokkaanse Ouderen Salon), présidée par Lahcen Farah.

Mais avant de mettre les pieds dedans, une leçon sur la politique des Pays-Bas, ses partis et le mode d'élection semble indispensable.

Dans une salle de classe au sein de la Maison pour la démocratie et de l'Etat de droit, un centre pédagogique de politique, les vieux apprentis ont été accueillis par Brahim Fettah, un encadrant du centre d'origine marocaine. Tout a été mis en place : des stylos, des fiches d'informations, des badges mais aussi du café noir pour mettre à l'aise le groupe dont beaucoup n'ont jamais connu les bancs de l'école.

Des affiches et des photos de tous les leaders des partis de gauche, de droite et de centre meublent les murs de la salle aux couleurs vives et sombres qui reçoit à longueur de journée des visiteurs de différents âges pour les initier aux méandres de la politique et aux principes de citoyenneté et de démocratie, surtout. "C'est lui, c'est Wilders", s'écrient des membres du groupe en s'arrêtant sur l'affiche du chef de file d'extrême-droite, Geert Wilders dont la notoriété a été forgée au préjudice des immigrés et de leurs intérêts.

Avant la première leçon, place à quelques questions pour tester la connaissance de ces personnes âgés entre 70 et 80 ans, pour qui la politique ne dit pas grand chose, à tort ou à raison, alors qu'ils ont vécu dans ce pays trois ou quatre décennies. Mais, la politique, ils la vivent à travers leurs fils et petits-fils qui sont désormais Néerlandais, ayant des droits et des obligations.

Qu'est-ce que vous attendiez de cette visite au Sénat? Les réponses étaient semblables les unes aux autres, voire les mêmes. Si tous les membres du groupe veulent découvrir dans la réalité et pour la première fois le parlement, ils espèrent aussi "qu'on s'arrête de s'en prendre aux immigrés et à leur gagne-pain parce qu'ils ont travaillé dur, autant ou plus que les autres !!". Ces réponses aussi naïves soient-elles dénotent d'une conviction chez ces gens-là que les Pays-Bas ne sont plus ce qu'ils étaient pour les immigrés qu'on a désormais tendance à sacrifier sur l'autel de la crise économique.

Combien de sièges faut-il pour former la majorité au parlement ? Combien de partis aux Pays-Bas ? Qui sont les membres du gouvernement ? Qui est le premier ministre néerlandais? La princesse Maxima a-t-elle le droit de voter ? Quel est votre média préféré ? Autant de questions auxquelles les élèves-vétérans ont été invités à répondre. Ils ne connaissent pas tout, mais n'ignorent pas tout non plus. Pour la plupart, ils ont la moyenne aux yeux de Brahim Fettah, un connaisseur de la chose politique aux Pays-Bas.

Fort de ses 13 ans de travail dans la maison pour la démocratie, Brahim a donné un aperçu, via la projection d'une vidéo en néerlandais, sur la composition des deux chambres du parlement néerlandais Eerste Kammer (Première) et Tweede Kamer (deuxième), le mode d'élection des 150 membres du parlement, le rapport entre gouvernement et députés et d'autres aspects de la vie partisane et politique hollandaise qu'ils ont suivi, en élèves assidus.

Le moment attendu est venu. Le groupe va aussitôt voir la Tweede Kamer mais, par mesure de sécurité, ils doivent se débarrasser de certains de leurs objets et les laisser dans un casier, notamment les appareils électroniques (téléphones portables et appareils photo). "Mais on veut prendre des photos souvenir !", lancent nombre d'entre eux. "C'est interdit", a réagi non sans regret Brahim Fettah qui sera également leur guide.

Vers 14H30 et à quelques mètres de "la Maison pour la démocratie", les membres du groupe franchissent une porte secondaire menant vers la chambre basse où un écran fait défiler les différents gestes que les visiteurs doivent effectuer pour faciliter la tâche aux agents de sécurité. Il s'agit d'enlever leurs Kufis, manteaux, ceintures, écharpes, chaussures avec clous et se débarrasser de toute pièce en métal ou électronique pour pouvoir traverser le portique de sécurité sans le déclencher.

Dix minutes plus tard, munis d'une fiche technique sur la 2-ème chambre, Ils ont pris place dans la partie réservée aux visiteurs. Brahim revient, en maitre des lieux, sur l'histoire du bâtiment et la composition de la Tweede Kamer, un bâtiment moderne, œuvre de l'architecte éminent Pi Bruijn. Les sièges sont aménagés sous forme de Tulipe, l'un des symboles des Pays-Bas, sur fonds vert, bleu et gris clairs.

Brahim revient sur les fonctions du président de la chambre, du secrétaire général et des greffiers devant une assistance séduite par une architecture à la fois colorée, fascinante et sobre. Leur seul reproche est que la salle n'était pas animée, pas de députés, pas de ministres, pas de questions, pas de réponses, pas de discours non plus. Ils voulaient interpeler "leurs représentants" au sujet du chômage de leur fils et filles, de la réduction des allocations familiales, l'assurance maladie et leur poser plein de questions qui les taraudent mais auxquelles ils ne trouvaient pas de réponses.

Heureusement, ces doyens des Marocains des Pays-Bas ne rentreront pas bredouilles chez eux. Ahmed Markouch, député d'origine marocaine a été au rendez-vous à la fin de la visite au Sénat. Markouch qui s'est efforcé, tant bien que mal, de répondre à leurs questions, a vulgarisé du mieux qu'il peut pour expliquer les plans gouvernementaux. Pour lui, un chef de gouvernement est comme un père de famille, pour se mettre à l'abri de la crise, il se serre la ceinture.

Si on a l'habitude d'avoir sur la table du beur, huile d'olive, fromage, café, thé, pain, croissants etc, en temps de crise on devrait se limiter à deux ou trois mets, a-t-il lancé, louant les actions de son parti et du gouvernement qui ont fait en sorte que le pays reste à l'abri le plus longtemps possible de la crise, au moment où d'autres sont au bord de la dérive.

En retournant chez eux, ces hommes auraient réalisé leur rêve de voir de près la Tweede Kamer, où se forment -et chutent- les coalitions de gouvernement néerlandais, mais aussi ils seraient plus avisés et attentifs à la politique et aux politiciens.

Said Youssi

25/12/2012

Source : MAP

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