jeudi 4 juillet 2024 18:22

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Pour RESF, les ministres changent, pas les expulsions

L’association se bat pour le retour d’un Kosovar hémiplégique de 11 ans qui doit être opéré. Une situation déjà vécue sous Sarkozy ou Guéant.

Par FABRICE TASSEL

Réseau Education sans frontières (RESF) finit l’année sur le pied de guerre. Plutôt discrète médiatiquement depuis l’élection de François Hollande, l’association mobilise autour du cas de Blendon Gashi, un Kosovar âgé de 11 ans, handicapé, expulsé en janvier peu avant l’intervention chirurgicale qui était programmée au centre hospitalier universitaire de Reims (Marne).

«Ce cas fait partie des héritages de l’époque Sarkozy», souligne Richard Moyon, une des figures emblématiques de RESF. En évoquant cette histoire, le militant dresse aussitôt un parallèle avec celle d’Ardi Vrenezi, un polyhandicapé de 15 ans qui avait lui aussi été expulsé, en mai 2010, vers le Kosovo avec ses parents. Après une longue mobilisation, Claude Guéant, alors ministre de l’Intérieur, avait cédé et autorisé le retour de l’adolescent qui a été opéré en France. Il y vit toujours, à Metz (Moselle), avec son père maçon, sa sœur salariée d’un centre aéré, et son jeune frère collégien.

«Il serait quand même triste que nous obtenions moins sous Valls que sous Guéant», souligne Richard Moyon. A l’époque, Réseau Education sans frontières avait obtenu la signature de plusieurs personnalités de gauche, comme Christiane Taubira, Cécile Duflot, Martine Aubry, Jean-Paul Huchon ou Bertrand Delanoë. Cette fois, les signataires dans les rangs du Parti socialiste sont beaucoup plus rares, à l’exception de nombreux élus du conseil régional de Champagne-Ardenne, où vivait la famille Gashi.

Arrivés clandestinement en avril 2011, les Gashi ont vu leur demande d’asile rejetée. Pendant que leur requête était examinée, la famille kosovare s’est intégrée : Blendon et son frère jumeau, Blendi, sont allés à l’école, y ont appris le français, tandis que, grâce à un réseau d’entraide, la santé de Blendon était prise en charge. Hémiplégique après un accident vasculaire survenu dans ses premières années, il ne peut pas utiliser sa main droite et claudique.

Incident. Depuis le 18 janvier et le placement au centre de rétention de Metz, puis l’expulsion vers Pristina, RESF se bat pour que l’intervention programmée en France puisse avoir lieu. Pour l’heure, la demande de visa déposée par la mère de Blendon a été rejetée par le consulat de France au Kosovo, qui argue de la possibilité pour l’enfant d’être soigné dans de bonnes conditions à Pristina. C’est aussi l’argument donné par le cabinet de Manuel Valls aux membres de RESF. Une pétition a déjà recueilli plusieurs dizaines de signatures, dont celles des comédiennes Jeanne Balibar et Josiane Balasko, le cinéaste Laurent Cantet, la chanteuse Emily Loizeau et, pour la sphère politique, Jean-Luc Bennahmias, Olivier Besancenot et Daniel Cohn-Bendit.

Richard Moyon est déterminé à se battre. «Si nous sommes un peu moins visibles médiatiquement, cela ne veut pas dire que nous avons changé depuis l’arrivée de la gauche», souligne-t-il. Et de raconter comment, moins d’un mois après l’arrivée de François Hollande à l’Elysée, il avait passé, un soir vers 22 heures, un long moment au téléphone avec deux membres du cabinet de Manuel Valls pour tenter d’empêcher l’expulsion d’un Géorgien qui venait de sortir de prison. En vain. «Ce soir-là, nous avons compris que le paradis n’était pas advenu, et nous avons décidé d’agir comme avec leurs prédécesseurs», se souvient Richard Moyon qui, à la fin de l’été, a frôlé l’incident avec le ministre de l’Intérieur en l’interpellant un peu vivement sur un cas d’expulsion lors de l’université d’été du Parti socialiste à La Rochelle. Compte tenu du poids de l’immigration familiale en France, RESF est depuis des années un interlocuteur crucial pour les familles avec enfants scolarisés. Ce sera encore le cas dans les prochains mois, avec l’application de la récente circulaire Valls définissant les nouveaux critères de régularisation, dont celui posant cinq ans de présence sur le territoire et trois ans de scolarisation pour les enfants ( Libération du 28 novembre).

«Pression». Richard Moyon salue «le caractère pérenne du dispositif alors qu’en 2006, on savait que la régularisation Sarkozy serait limitée dans le temps. D’ailleurs, l’afflux dans les préfectures est moins massif qu’en 2006, des familles savent que c’est trop tôt pour qu’elles se manifestent». Le militant reconnaît aussi «qu’avec Valls le discours xénophobe de Sarkozy et Guéant a disparu, et la pression du chiffre sur les policiers a diminué. Mais, en même temps, Valls, en expliquant que le nombre de régularisations et celui des expulsions seront proches de celles sous la droite, valide d’une certaine façon leur politique. Et c’est aussi vrai concernant les Roms: il ne reprend pas les éléments du discours de Grenoble, mais la pratique est la même».

26/12/2012

Source : Libération


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