Les députés veulent intégrer dans la loi des mesures visant à mieux protéger près de 800 000 anciens travailleurs nés à l’étranger, souvent confronté à la précarité.
Ils ont changé de pays après la seconde guerre mondiale, pendant toute la période des « Trente glorieuses ». Ils ont contribué à la reconstruction de la France, à la relance de l’industrie automobile ou de la métallurgie. Ces hommes étrangers autrefois appelés « jeunes travailleurs » sont aujourd’hui devenus des seniors. Près de 350 000 ont plus de 65 ans, et 800 000 plus de 55 ans. Surtout, 40 000 d’entre eux, pour la plupart des hommes originaires du Maghreb, vivent toujours en foyer, dans la même chambre de 7,5 m2 qu’ils occupaient dans leur jeunesse.
Un travail transversal
Une mission d’information parlementaire, lancée le 16 janvier dernier, doit rendre un rapport d’ici au mois d’avril, avec des propositions pour que ces « chibanis » puissent vieillir dignement. « Nous ferons un état des lieux très transversal, qui touchera à la fois à les questions de la santé, du logement, des retraites, de l’immigration, explique le député socialiste Alexis Bachelay, rapporteur de la mission. « Nous espérons que les préconisations que nous ferons seront reprises par les ministres concernés dans les différentes lois qui seront examinées à partir de juin », poursuit-il.
Un accès aux droits limité
Auditionnée dans le cadre du travail parlementaire, l’inspectrice générale des affaires sociales, François Bas-Théron, regrette en premier lieu que cette population n’ait pas accès ni à l’assurance-maladie, ni aux aides au logement ou encore à l’allocation de solidarité aux personnes âgées. « Dans ces conditions, impossible de faire intervenir un infirmier à domicile, il est également très difficile de faire venir une aide-ménagère », observe-t-elle, recommandant que le titre de séjour « retraité » ouvre enfin à l’ensemble des droits.
Laisser le choix aux migrants
Les parlementaires n’envisagent pas un plan particulier, mais une « diversité de réponses » en fonction du projet de vie de ces anciens. Certains veulent repartir au pays, mais ne peuvent pas. C’est en grande partie le cas de ceux qui ne peuvent pas justifier d’une retraite complète. Ces derniers, pour toucher leur pension, doivent obligatoirement rester plus de six mois sur le territoire français. Pour les députés, leur suivi administratif pourrait être réalisé depuis l’étranger, en consulat. D’autres veulent rester, souvent parce qu’ils n’ont plus aucune attache dans leur pays d’origine. Ceux qui le souhaitent pourraient obtenir la nationalité française s’ils peuvent justifier de 25 ans de présence en France. Ils accéderaient ainsi à tous les droits et devoirs citoyens. Concernant le lieu de résidence, les anciens travailleurs migrants auraient encore une fois le choix. Un accès facilité aux HLM, ou la possibilité de rester en foyer, mais à condition de rendre l’hébergement plus digne, avec douche, cuisine et toilettes personnelles. Sur ce point, les pouvoirs publics ont du pain sur la planche. Le plan de restauration des anciens foyers type Sonacotra (aujourd’hui Adoma) initié en 1997 a pris beaucoup de retard. En 2010, sur quelque 600 structures existantes, 400 devaient encore être complètement restructurées.
Un devoir de mémoire
Plusieurs propositions, enfin, concerneront la fin de vie des chibanis, et l’hommage que la France pourra leur faire lorsque ces derniers auront disparu. Davantage d’espaces pourrait être accordé dans les cimetières, avec la création de carrés musulmans. Le rapatriement des corps dans le pays d’origine pourrait être facilité. Plus largement, leur contribution à l’économie française pourrait être abordée dans les programmes d’histoire à l’école.
JEAN-BAPTISTE FRANÇOIS
25/1/2013
Source : la Croix