La politique migratoire fait moins parler d'elle. Et c'est heureux. Certains y voient l'évidente trahison d'un gouvernement socialiste trop prompt à renier ses principes ou ses promesses. L'argument est un peu court, sans preuves et surchargé d'a priori accusatoires qui finissent par desservir ceux-là même qui voudraient que cela se passe différemment et surtout mieux.
1. Quand la police de France avait des instructions chiffrées, appuyées par des discours bellicistes au plus haut sommet de l'Etat et des points presse réguliers d'un ministre de l'Identité nationale, la nécessité de rapporter cette politique glaçante pour notre République était évidente et irréfléchie. Depuis mai 2012, nous sommes dans un autre monde.
N'en déplaise à cette actrice surpayée dénommée Josiane Balasko qui râlait contre Manuel Valls, la politique migratoire n'est plus la même depuis mai dernier. Caricaturer ses insuffisances ne fait pas avancer le débat puisque ce dernier doit se conduire à gauche. A la fois, rien n'a changé et tout a changé.
Sur le terrain des promesses, d'abord, le candidat Hollande n'avait fixé aucun objectif de régularisation de clandestins, mais simplement une clarification des critères, et un assouplissement des conditions de naturalisation. Pour certains associatifs, même si ces deux dernières promesses ont été satisfaites sur le papier, c'est encore insuffisant.
2. Quand le chef de l'Etat lui-même lançait la charge contre les Roms, circulaire ciblée à l'appui, un jour de fin juillet à Grenoble, il fallait réagir. Cet homme, Nicolas Sarkozy, s'était choisi un épouvantail. Aujourd'hui, nulle autorité n'a convoqué de caméras pour instrumentaliser une quelconque "chasse aux Roms". Quelle tristesse de constater que certains ne voient pas cette différence. Concernant les Roms, la dernière séquence estivale a fait des ravages. Le gouvernement s'est empêtré dans une mauvaise affaire - la destruction de camps sauvages, l'expulsion de ceux qui n'étaient ni français ni régularisés, et l'absence de relogements adéquats.
3. L'immigration ne doit plus être un sujet d'instrumentalisation politique. Facile à dire, difficile à faire. Mais le pays et la gauche ont trop souffert de cette instrumentalisation permanente. Ceux qui perdent à ce dernier jeu sont les immigrés eux-même. Il y a donc un délicat équilibre à trouver entre la dénonciation de ce qui ne va pas et la "pacification" du débat politique sur ces sujets.
4. Il y a toujours des immigrés clandestins. Certains, ô surprise, sont toujours expulsés. Le ministre de l'intérieur a reconnu que près de 36.000 de ces derniers avaient été renvoyés chez eux l'an dernier. C'est beaucoup plus que sous Sarkozy. Il était ridicule, en Sarkofrance, de fixer des objectifs d'expulsions. Cela légitimait toutes les dérives puisqu'il fallait trouver le clandestin. Dès l'automne 2007, nous eûmes donc droit à la mise en scène de rafles à la sortie d'écoles ou dans des squares. Il n'y a plus aucun objectif chiffré, seulement des critères et des expulsions quand ces derniers ne sont pas respectés. RESF - pour ne citer qu'elle - sensibilise encore ses soutiens à chaque cas d'expulsions litigieuses. Mais ces alertes semblent moins nombreuses depuis mai 2007 (5 en janvier 2013 ; 12 en décembre 2012; 15 en novembre 2012).
5. Il y a toujours des faits divers qui sont détestables, des situations humanitaires désastreuses, des cas individuels d'expulsions ou de destructions de camps de Roms (puisque les deux sujets sont régulièrement mélangés) qui nous font honte. Il faut les relater, sans se tromper de critiques, sans amalgamer tout et n'importe quoi.
A Ris Orangis (Essonne), un maire socialiste a préféré installer treize élèves roms dans une classe séparée, dans un gymnase voisin, plutôt que de les scolariser dans l'établissement. Il a un bon argument, des classes surchargées. Mais le symbole est odieux, et la solution illégale.
Philippe Alain, sur son blog hébergé par Mediapart, rapporte la situation de cette classe spécialement créée pour des enfants Roms à Saint-Fons. Le symbole - une classe "ethnique" - est odieux. Philippe Alain devient excessif quand il se réfère à l'Apartheid digne de l'Afrique du Sud pré-Mandela ("On a connu pire, c’est vrai, mais c’était en Afrique du Sud du temps de l’apartheid").. L'Apartheid était un régime qui refusait le droit de vote aux non-Blancs. Cette forme "godwinnesque" de la politique est contre-productive et détestable. Elle exprime une rage sincère mais se disqualifie par l'assimilation à des régimes odieux. Il est légitime, nécessaire, de rappeler, préciser, souligner combien la scolarisation de cette vingtaine d'enfants roms est inacceptable (pas de cantine, des locaux séparés, un hébergement dans une salle de commissariat). Il est absurde et malhonnête d'omettre de donner la parole à la défense - la municipalité où sont logés ces Roms n'a plus de places scolaires.
La France est une démocratie.
Il y a des recours, comme le Défenseur des Droits.
Les associations ont l'expression libre, voire même financièrement aidées par des organismes publiques.
La France devrait savoir traiter de ces sujets sans heurts ni violences, sans amalgames ni caricature.
28 Janvier 2013, Juan S
Source : Marianne