Enfin fixés. Ce mardi, à 13h, 58 salariés ou retraités de la SNCF vont se rassembler devant les Prud’Hommes de Paris. Leur avocat, Léopold Mendes, va leur annoncer le délibéré dans l’affaire qui les oppose à leur employeur. La SNCF est poursuivie par près de 800 hommes, marocains ou d’origine marocaine, pour discriminations tout au long de leur carrière. Le combat judiciaire de ces papis vieillis avant l’âge a commencé il y a dix ans. Pour la première fois, aujourd’hui, les juges vont dire s’ils condamnent la SNCF à verser à chacun des plaignants entre 300.000 et 450.000 euros de dommages et intérêts.
Même travail mais traitement différent
Pour Abdelkader Ider, cela ne fait aucun doute. Rencontré lors de l’audience, le 17 décembre, cet homme de 62 ans est parti à la retraite de manière anticipée en 2007. Il expliquait avoir travaillé 30 ans, de nuit, sur les rails et dans les tunnels de la gare d’Austerlitz. Il y avait des Français dans son équipe. «On faisait le même travail. Mais on n’avait pas le même salaire, les mêmes récompenses, les mêmes avancements de carrière», disait-il. Sa femme, Fatima, raconte qu’Abdelkader a le bras barré d’une cicatrice. Un accident du travail. «Il a donné sa santé à son travail, sa vie à la France. Jamais il ne prenait d’arrêt de travail ou de maladie.» Trop coûteux.
Parce que, contrairement à leurs collègues français, ces Marocains – 2.000 environ – ont été recrutés sous contrat de droit privé. Dans le jargon du rail, ce sont les «PS25». Le statut plus avantageux de «cheminot» ou «cadre permanent» est en théorie réservé aux Français de moins de 30 ans. Un cadre permanent part à la retraite à 55 ans, avec une pension calculée sur les six derniers mois de salaire, cotise à une caisse de prévoyance et de soins spéciale. Un PS25 cotise à l’assurance vieillesse et maladie du régime général. Il part à la retraite - calculée sur ses 25 meilleures années de travail - quand il a fait ses trimestres. Il n’est pas intégré au processus de notation de la SNCF.
Des années de procédure en perspective
Abderrahmane Benlmouaz, 64 ans, fait partie des rares Marocains qui, une fois naturalisés français, ont pu bénéficier du statut de cheminot. Mais son ancienneté en tant que PS25 n’a pas été prise en compte lors de son changement de statut. «J’aurais dû bosser jusqu’à 65 ans pour avoir une retraite digne», explique celui qui s’occupait de l’accueil des handicapés gare de Lyon avant de tomber malade et de prendre une retraite anticipée.
«Au début, on leur a dit qu’ils n’avaient pas le même traitement parce qu’ils n’étaient pas français. Puis, quand ils ont acquis la nationalité française, on leur a dit qu'ils étaient trop vieux pour devenir cheminot. Et ceux qui le sont devenus ont dû repartir de zéro», explique Me Mendes. Pour la SNCF, il n’y a jamais eu discrimination. L’avocat de l’entreprise, Me Hirsch, estime qu’il y a prescription, puisque le contrat de travail a plus de 30 ans.
Ce jugement des Prud’Hommes n’est qu’une première étape. La partie perdante fera appel. Le dossier pourrait aller jusqu’à la Cour européenne des droits de l’Homme. Des années de procédure alors que certains plaignants sont déjà morts.
29/01/2013, Alexandra Bogaert
Source : 20minutes.fr