Le poids décisif du vote hispanique a relancé le débat sur le sort des 11 millions de clandestins.
La classe politique est-elle mûre pour une grande réforme de l'immigration, qui légaliserait notamment le statut des 11 millions d'immigrés clandestins aux États-Unis? Le président l'espère et appelle le Congrès à légiférer. Une réforme «de bon sens» est à «portée de main», a lancé Barack Obama depuis Las Vegas mardi, promettant de pousser son propre projet si les élus temporisent.
Il y a sept ans, George W. Bush avait subi un échec fracassant dans ses efforts pour légiférer sur le sujet, se voyant infliger une défaite par son propre camp, alors qu'il avait travaillé main dans la main avec les démocrates. Mais au lendemain d'une élection qui a révélé le poids décisif du vote hispanique, créant un électrochoc à l'intérieur d'un parti conservateur qui joue sa survie, les auspices n'ont jamais été aussi favorables, affirment les experts.
Une semaine après son investiture et un jour après l'annonce en fanfare d'un plan sénatorial bipartisan destiné à réformer la politique d'immigration, Barack Obama s'est dit encouragé par les propositions audacieuses d'un groupe de huit sénateurs influents - parmi lesquels l'ancien candidat à la présidence, John McCain, et l'étoile montante du parti conservateur, Marco Rubio, les disant «très conformes» à ses principes. «La bonne nouvelle, c'est que, pour la première fois depuis des années, républicains et démocrates semblent prêts à s'attaquer ensemble à ce problème», a noté le chef de l'État.
Légalisation provisoire du statut des clandestins
Le projet tout juste présenté par huit pointures démocrates et républicaines propose une légalisation provisoire du statut des clandestins, qui leur donnerait un droit au travail, en échange du paiement d'une amende. Il stipule qu'ils devraient se mettre dans «la file d'attente» existante pour obtenir la citoyenneté, mais qu'ils ne pourraient plus être expulsés dans l'intervalle. Cette initiative est en contraste avec la position défendue depuis 2009 par le Parti républicain car elle propose une voie vers la citoyenneté pour les 11 millions de clandestins actuellement sans voie de recours aux États-Unis, s'est réjoui le porte-parole d'Obama Jay Carney.
Contrairement à ce qu'avait annoncé le Washington Post, le président n'a pas défendu une approche différente de celle des sénateurs, plaidant, comme eux, «pour un chemin» non pas «rapide» mais «juste vers la citoyenneté». Beaucoup d'observateurs n'étaient pas étonnés de ce ton conciliant et peu radical. S'il doit satisfaire l'électorat latino qui a voté pour lui à 70 %, le président sait qu'il ne peut dresser contre lui un Parti républicain qui voit toute «amnistie» comme un encouragement à l'immigration illégale. Visiblement, sa tactique va consister à laisser l'initiative au groupe des huit, afin de ne pas mettre son nom sur un projet de réforme, qui provoquerait une réaction de rejet des Républicains.
Les rangs conservateurs restent très divisés. Beaucoup d'élus, soucieux de ménager leurs électeurs, notamment dans des États frontaliers comme l'Arizona ou le Texas, freinent des quatre fers et proposent de s'en tenir à une politique décourageant l'immigration clandestine, en réduisant l'incitation à travailler.
Mais John McCain, Marco Rubio et nombre de gouverneurs influents comme Jeb Bush estiment que la victoire d'Obama a changé la donne. Pour eux, il est temps pour les républicains d'adopter une approche plus ouverte vis-à-vis de ces immigrés, en reconnaissant leur contribution l'économie du pays. McCain affirme que les garde-fous prévus dans son projet empêcheraient une redite des erreurs de 1986, quand une amnistie avait suscité une vague massive de nouveaux clandestins.
Le plan des huit appelle à établir une relation claire entre les besoins d'emplois du pays et l'octroi de permis de travail aux étrangers, afin de décourager les illégaux. Il rendrait en revanche les entreprises responsables de l'embauche de clandestins. Les milieux d'affaires - et notamment la Chambre de commerce américaine - se disent favorables à la réforme, invoquant leurs besoins de main-d'œuvre et le vieillissement de la population (un Américain sur 5 aura plus de 65 ans en 2035, contre un sur 10 aujourd'hui). Ils saluent le projet des huit, qui vise à élargir la politique d'immigration légale, notamment pour recruter de précieux diplômés étrangers.
Mais l'argument massue qui pourrait changer la donne au Congrès reste politique. John McCain ne s'en est pas caché ce lundi, comme un journaliste lui demandait pourquoi cette fois serait la bonne: «Les élections, a-t-il répondu sans fard. Le Parti républicain est en train de perdre le soutien de nos citoyens hispaniques.»
29/01/2013, Laure Mandeville
Source : Le Figaro