La France, où la question des sans-papiers reste explosive, semble bien éloignée des Etats-Unis où se dessine un consensus politique pour faire "sortir de l'ombre" des millions de clandestins.
"Prime à la clandestinité, "laxisme", "appel d'air à l'immigration clandestine": les ténors de l'opposition déclinent ces piques dès qu'il est question de politique migratoire.
Dimanche encore, l'ancien ministre UMP de l'immigration, Brice Hortefeux accusait le ministre de l'Intérieur Manuel Valls "d'ouvrir les vannes de l'immigration".
Pourtant, conformément aux engagements de campagne de François Hollande, le ministre suit une ligne très prudente. "Il n'y aura pas de régularisations massives" parmi les sans-papiers, répète-t-il à l'envi. Il y aurait entre 200 et 400.000 clandestins en France, selon les estimations.
De l'autre côté de l'Atlantique, le scénario est aux antipodes: Barack Obama a estimé mardi qu'une réforme du système d'immigration était "à portée de main" pour régulariser quelque 11 millions de clandestins.
La veille, il avait reçu l'appui de huit sénateurs, démocrates et républicains, qui ont présenté un plan pour atteindre cet objectif.
"Aux Etats-Unis, les Républicains ont analysé leur défaite comme une conséquence de leur image de parti de Blancs qui ne parle qu'aux Blancs", estime Michel Feher, philosophe et président de l'association "Cette France-là", très critique sous l'ancien gouvernement.
Les Républicains espèrent selon lui reconquérir le coeur des hispaniques, qui ont représenté 10% des électeurs lors du dernier scrutin. Malgré certaines proximités idéologiques avec les Républicains (notamment sur l'avortement) 71% ont voté pour Barack Obama, notamment en raison de ses engagements en faveur des clandestins.
La droite française n'est pas dans cette logique, souligne M. Feher: "Malgré sa défaite électorale, l'idée demeure que c'est un bon filon de prendre les étrangers comme bouc émissaires." Et, regrette-t-il, "le gouvernement veut tellement éviter de cliver qu'il fait preuve de couardise."
- 30.000 régularisations par an –
Par ailleurs, "en France, et plus largement en Europe, l'attitude très anti-immigrés est liée en grande partie au chômage: les gens croient à la concurrence des migrants", explique à l'AFP Catherine Wihtol de Wenden, chercheuse à ScPo.
"A l'inverse, dans le sud des Etats-Unis, les gens comprennent que les immigrés ne travaillent pas dans les mêmes secteurs et qu'ils sont indispensables à l'économie", ajoute-t-elle.
Selon un sondage Ifop publié par le Monde la semaine dernière, 46% des Français estiment que "pour réduire le nombre de chômeurs, il faut réduire le nombre d'immigrés". Sur cet arrière-fond, Manuel Valls évoque fréquemment "le contexte actuel" ou "la crise" pour défendre une politique migratoire "juste mais ferme".
Au delà des opinions publiques, la France n'a pas le même besoin de régulariser, souligne l'historien Patrick Weil, spécialiste de l'immigration.
"Les Etats-Unis n'ont pratiquement pas régularisé depuis 17 ans, alors qu'en France, on régularise tous les jours, avec environ 30.000 régularisations par an", sous les gouvernements de droite comme de gauche, rappelle-t-il.
Si on rapportait le nombre de clandestins aux Etats-Unis à la taille de la population française, on aurait 1,5 million de sans-papiers sur le sol français, calcule-t-il.
"On a un plus gros effet de masse aux Etats-Unis", dit-il.
Pour lui, au delà des polémiques, "la France a des mécanismes de régularisation plus souples et plus adaptés à la gestion de l'immigration. On ne procède pas à une grande régularisation pour tout stopper ensuite."
30/1/2012
Source : Lalibre.be/AFP