Barack Obama était mardi 29 janvier au soir dans le Nevada pour tracer les contours d’un projet ouvrant la voie à la naturalisation de onze millions de clandestins.
La veille, des sénateurs démocrates et républicains avaient présenté un premier projet commun, un signe encourageant après plusieurs tentatives infructueuses ces dernières années.
Quelle est la nature de la réforme voulue par la Maison-Blanche ?
Pour Barack Obama, il est urgent d’offrir des perspectives d’intégration aux millions de sans-papier vivant sur le sol américain. « Notre voyage ne sera pas terminé tant que nous n’aurons pas trouvé une meilleure façon d’accueillir les immigrés pleins d’espoir qui voient les États-Unis comme le pays du possible, tant que de brillants jeunes étudiants et ingénieurs ne seront pas enrôlés dans nos effectifs plutôt qu’expulsés de notre pays », a-t-il lancé lors de son discours d’investiture, faisant de la réforme de l’immigration une des priorités de son second mandat.
On estime qu’environ onze millions d’illégaux, majoritairement hispaniques, vivent aux États-Unis, où ils contribuent d’une manière importante à plusieurs secteurs de l’économie du pays (agriculture, industrie agroalimentaire, etc.), tout en redoutant d’être expulsés à tout moment.
Aux yeux du président américain, il faut permettre à cette population d’accéder à une forme de régularisation, pour le bénéfice de tous. C’est le sens de la réforme qu’il veut voir adoptée par le Congrès et dont il devait indiquer, mardi 29 janvier, les grandes lignes, lors d’une intervention dans le Nevada, État à forte population latino.
Cette réforme peut-elle voir le jour ?
Le thème de l’immigration est au centre du débat politique aux États-Unis depuis les années 1990 : cette décennie, marquée, côté États-Unis, par un boom économique et, côté Mexique, par le lourd impact du libre-échange, avait vu exploser le nombre des migrants venus du sud du Rio Grande. Au point que s’est imposée au sommet de l’État, dans les années 2000, l’idée d’une nécessaire réforme de l’immigration. En vain. L’aile droite du Parti républicain a contrarié les projets de régularisation de George W. Bush, puis de Barack Obama en 2010.
Mais les perspectives semblent meilleures cette année. Pour preuve, le plan présenté lundi par huit sénateurs – quatre démocrates, quatre républicains. Il prévoit la régularisation des illégaux n’ayant commis aucun délit grave, et après paiement d’une amende.
Pour obtenir un permis de séjour et de travail permanent, puis envisager d’accéder à la nationalité au bout de cinq ans, ils devront apprendre l’anglais et prouver qu’ils ont travaillé. Si cette initiative diffère du plan voulu par la Maison-Blanche, notamment parce qu’elle pose comme préalable de nouveaux investissements pour renforcer la frontière avec le Mexique, elle indique néanmoins que les temps changent.
Pourquoi la droite américaine serait-elle prête à soutenir un tel projet ?
L’élection de novembre a changé la donne : les Latinos se sont déplacés en masse aux urnes, pour soutenir à 70 % Barack Obama. Les Hispaniques ont fait payer cher à Mitt Romney son soutien à une loi très controversée adoptée par l’Arizona, qui autorise le « contrôle au faciès » de toute personne suspecte de vivre illégalement aux États-Unis.
Mais l’ancien candidat n’est pas le seul responsable : une brèche s’est en fait ouverte entre les Latinos et les républicains au cours des dix dernières années. Or, la population hispanique pesant de plus en plus lourd, il est impératif pour la droite américaine de rectifier le tir.
Conscients de ce danger, des ténors du parti ont appelé à une évolution radicale. Même au sein de son aile droite : lundi, Marco Rubio figurait dans le groupe de huit sénateurs, né dans une famille cubaine aux États-Unis et chouchou des conservateurs. Le fait que ce possible candidat à l’investiture républicaine pour 2016 s’empare de ce dossier est le signe le plus manifeste de cette prise de conscience.
29/1/1213, GILLES BIASSETTE
Source : La Croix