dimanche 24 novembre 2024 16:58

L’Allemagne en panne de réflexion sur l’immigration

L’Allemagne « n’a pris conscience que très récemment de son statut de pays d’immigration », écrit Nele Katharina Wissmann dans « Les migrants en Allemagne », une note publiée par le Comité d’études franco-allemandes (Cerfa). Dans ce document de 25 pages, la chercheuse analyse la place qu’occupent les questions de l’immigration et de l’intégration outre-Rhin, longtemps reléguées au second plan.

6,9 millions d’étrangers

En cause, la notion de « Gastarbeiter » (littéralement, « travailleur invité »), qui désigne les immigrés grecs, italiens ou turcs venus à partir des années 1960 pour répondre aux besoins de main-d’œuvre, et sa dimension temporaire, qui a empêché d’envisager le phénomène sur le long terme. Pourtant, malgré la fin de la politique des « Gastarbeiter », une partie de ces derniers, puis des générations qui ont suivi, est restée en Allemagne, qui compte aujourd’hui 6,9 millions d’étrangers, dont 23,2 % de Turcs et 7,5 % d’Italiens. Autre explication à l’absence de réflexion sur la notion d’intégration, « une peur d’être perçu comme xénophobe », explique Nele Katharina Wissmann.

La réforme du droit de la nationalité, au début des années 2000, a finalement placé les questions de l’immigration et d’intégration dans le débat. Des mesures ont été prises par l’État fédéral pour l’intégration, selon un credo : « soutenir et exiger ». « Un consensus fondamental existe en Allemagne selon lequel le travail d’intégration ne se limite pas à garantir la vie en société d’hommes et de femmes de cultures différentes, écrit la chercheuse. En effet, les migrants ont aussi la responsabilité de répondre à certaines exigences de base. Parmi ces exigences figurent notamment la maîtrise de la langue allemande et l’acceptation des valeurs essentielles de la société d’accueil ».

Débat autour de la culture de référence

Parallèlement, un débat sur la notion de « culture de référence » s’est ouvert et « la situation est devenue problématique lorsque ladite notion a été irrémédiablement associée à « la culture chrétienne occidentale » et opposée à l’islam », explique Nele Katharina Wissmann. Un débat « très émotionnel » sur l’islam s’est engagé, poursuit-elle. Il a « amené les Turcs à se reposer sérieusement la question de leur propre identité et de leur appartenance ».

Qu’une démarche d’intégration ait été définie ne suffit pas à faire de l’Allemagne une terre d’intégration. La focalisation de la société sur l’intégration des immigrés d’origine turque tout comme la réduction de la discussion à un débat sur l’islam « ont généré une réaction en chaîne dommageable qui ne permet pas d’apprécier à leur juste mesure ni les défis économiques, ni la véritable situation vécue actuellement par les immigrants, ni donc les besoins en termes d’immigration », écrit Nele Katharina Wissmann, qui conclut que « l’Allemagne a besoin de perspectives de long terme permettant d’atténuer les divisions d’une société multiculturelle et d’exploiter son potentiel au regard des problèmes démographiques du pays ».

6/2/2013, MARIANNE MEUNIER

Source : La Croix

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