Des acteurs associatifs marocains et sénégalais ont initié, durant ce week-end à Dakar, une réflexion citoyenne sur la migration entre le Maroc et le Sénégal, un comportement humain séculaire, compte tenu des liens historiques entre les deux pays, qui doit préserver son authenticité face à la conceptualisation occidentale de la migration et le verrouillage des frontières.
Des intellectuels, des juristes, des syndicalistes et des acteurs d'ONG des deux pays ont décortiqué, à cette occasion, le mouvement des populations entre les deux pays à travers l'histoire et les étroits liens humains, spirituels et culturels qui n'ont jamais été contraints par la notion frontière.
La rencontre a été aussi l'occasion aussi pour les acteurs du mouvement citoyen de faire des propositions pour la préservation de la dimension humaine des liens séculaires entre les deux pays et envisager des solutions pour assurer la liberté de circulation des personnes dans le respect de la légalité et des dispositions des accords conclus entre les deux pays.
La manifestation, organisée par le conseil national des marocains du Sénégal (CNMS) en partenariat avec le Forum social sénégalais, s'inscrit dans le cadre des préparatifs du Forum social mondial (FSM) qui se tiendra en 2013 au niveau du Maghreb (Tunisie) après une édition Ouest-africaine qui s'est déroulée à Dakar 2011.
Intervenant à l'ouverture de cette rencontre, le président du CNMS, M. Mohamed Farssi a souligné que le traitement de la question de la migration doit nécessairement prendre en considération les relations privilégiées entre le Maroc et le Sénégal qui comptent à leur actif un brassage culturel et un métissage ancestraux entre les populations des deux pays.
De plus, ajoute-il, l'organisation de la migration entre les deux pays doit honorer l'esprit de la convention bilatérale de 1964 qui consacre la libre circulation des biens et des personnes.
Le choix stratégique du Maroc pour la coopération sud-sud et la consécration des droits des migrants dans la nouvelle constitution doivent présider à des relations harmonieuses où l'économique a pour corolaire une dimension humaine qui traduit bien les liens historiques entre les deux peuples, a-t-il dit.
Concernant la migration clandestine et particulièrement celle de transit vers l'Europe, le président du CNMS a indiqué que cette rencontre vise à initier de commun accord avec les acteurs sociaux sénégalais des outils d'informations pour prévenir tout problème de nature à impacter l'excellence des relations entre les deux pays.
Il s'agit d'un Centre des droits des migrants qui aura pour mission d'informer les ressortissants, aussi bien marocains que sénégalais, sur les droits des migrants dans les deux pays conformément à la convention de 1964, et un observatoire de la migration qui se chargera d'établir des statistiques sur la migration entre les deux pays frères, a-t-il précisé.
''Cette rencontre est une réflexion citoyenne entre Sénégalais et Marocains surtout, entre Subsahariens et Maghrébins en général, pour analyser le phénomène qui se pose aujourd'hui entre ces deux sous-régions africaines souvent confrontées à des problèmes liés à la migration clandestine'', a souligné, pour sa part, Mamadou Mignane Diouf, président du Forum social sénégalais.
Pour M. Diouf, il faut ''rassembler les données relatives'' à la migration irrégulière entre les deux pays, voire les deux sous-régions, pour ensuite ''les analyser et, éventuellement, élaborer des solutions qui seront remises à qui de droit, à savoir les gouvernements''.
''Cette rencontre donnera lieu à un mémorandum dans lequel seront données des propositions concrètes de solutions durables au traitement des uns et des autres, dans le cadre de la circulation des personnes et des biens entre les deux régions et particulièrement entre le Maroc et le Sénégal'', a-t-il dit.
La députée et syndicaliste marocaine Kenza Ghali (Parti de l'Istiqlal), qui participe à ce forum, a lancé un appel à ''la protection des droits des travailleurs sénégalais et marocains dans les deux pays qui ont accepté, chacun, de recevoir les ressortissants de l'autre sans visa'', conformément à une volonté politique pour le rapprochement des peuples exprimée à l'aube des indépendances.
La parlementaire a particulièrement fustigé l'approche sécuritaire et inéquitable de la migration imposée par les pays occidentaux et qui ne doit en aucun cas être dupliquées dans les relations entre les pays du sud. Elle a en revanche plaidé pour des rapports humains entre les pays africains dont l'avenir dépend crucialement d'une coopération sud-sud équitable et garantissant la libre circulation des biens et des personnes.
La rencontre de Dakar a été marquée par un exposé de l'historienne française Lawrence Marfaing sur les commerçantes sénégalaises qui avaient emprunté, dès le début du 20 eme siècle, la voie des pèlerins Tijanes sénégalais vers la cité spirituelle Fès.
Ces commerçantes circulaient librement entre Dakar, Fès et jusqu'à la Mecque, avant que la présence coloniale n'érige les frontières et le contrôle des flux commerciaux aux dépends du commerce caravanier où Fès occupait la position de carrefour névralgique, a-t-elle rappelé.
Les échanges de la rencontre ont été également enrichis par des exposés sur la communauté des sénégalais établis au Maroc, la coopération dans le domaine de la formation, en plus de témoignages poignants de marocains établis au Sénégal depuis plusieurs générations.
Les participants à la manifestation ont proposé la célébration du cinquantenaire de la convention maroco-sénégalaise de 1964 qui illustre le rapprochement des peuples voulu par Feu SM Hassan II et le premier président du Sénégal indépendant, Léopold Sédar Shengor.
10 févr. 2013
Source : MAP