Des chapelets de saucisses polonaises luisent sur les étals des magasins et des bouteilles de vodka sont alignées sur les étagères. Dans la rue, les conversations se déroulent souvent en letton ou en lituanien.
Bienvenue à Boston, petit coin d'Europe de l'est en Grande-Bretagne.
D'après le dernier recensement, plus d'un dixième des habitants de cette paisible bourgade du Lincolnshire (est de l'Angleterre) sont originaires d'un des dix ex-pays communistes qui ont rejoint l'Europe dans les années 2000.
Avec ses cafés polonais et ses magasins de produits baltes, Boston a bien changé depuis le recensement de 2001, où ses 249 résidents allemands constituaient la plus importante communauté étrangère.
La Grande-Bretagne s'attend à une deuxième vague d'immigration venue d'Europe de l'Est l'an prochain, en provenance cette fois de Bulgarie et de Roumanie, dont les 29 millions de citoyens vont désormais avoir accès au marché du travail de tous les pays de l'UE.
La nouvelle suscite l'effervescence à Boston, dont une des écoles arbore déjà des panneaux en cinq langues pour inciter les automobilistes à la prudence.
"Nous serons bientôt des étrangers dans notre propre ville", déplore Joan, une retraitée. "J'ai des voisins d'Europe de l'Est et il n'y a pas plus gentil. Mais ça suffit, nous n'en voulons pas d'autres".
Ses voisines ne sont pas en reste pour énumérer tous leurs griefs contre ces nouveaux résidents, de la surcharge qu'ils feraient peser sur les services publics au fait qu'ils conduisent souvent du mauvais côté de la route.
Quand la Pologne, la Lettonie, la Lituanie, la Slovaquie, la Slovénie, la Hongrie, l'Estonie et la République tchèque ont rejoint l'UE en 2004, la Grande-Bretagne a été l'un des premiers pays à ouvrir immédiatement son marché du travail aux nouveaux arrivants.
Troisième économie européenne, elle est devenue une destination prisée des travailleurs des anciennes nations communistes, très appauvries.
Les résidents d'origine asiatique (7% de la population) et noirs (3%) restent les deux groupes d'immigrés les plus importants au Royaume-Uni, en raison de son passé colonial.
Mais parmi ses 62 millions d'habitants, on compte désormais un million d'Européens de l'Est, et le polonais est la langue la plus largement parlée après l'anglais.
Le gouvernement a opté pour une approche différente quand la Roumanie et la Bulgarie ont rejoint l'UE en 2007, restreignant l'accès de leurs ressortissants à son marché du travail jusqu'en 2014, à l'instar de plusieurs autres pays.
A l'approche de cette date, la presse de droite brandit le spectre de "mendiants" venus de Bulgarie et Roumanie "déferlant" sur le pays. Le parti conservateur de David Cameron a aussi durci son discours sur l'immigration.
Cette défiance a suscité l'agacement en Roumanie, où un quotidien a lancé une campagne humoristique à l'adresse des Anglais avec ce slogan: "Pourquoi ne pas venir chez nous?".
L'ambassadeur roumain à Londres, Ion Jinga, a déploré cette "rhétorique incendiaire", qui donne à ses compatriotes l'impression d'être "des citoyens de seconde classe" et craint qu'elle ne débouche sur des discriminations, voire des agressions contre ceux qui vivent en Grande-Bretagne.
En l'absence de prévisions officielles, certains médias affirment que les Roumains et Bulgares pourraient affluer par centaines de milliers.
"Il n'y a tout simplement aucun moyen fiable de le savoir", souligne Scott Blinder, de l'observatoire des migrations de l'Université d'Oxford.
A Boston, la possibilité de voir arriver d'autres ressortissants de l'Est suscitent aussi des réticences chez certains immigrés.
"J'aime cette ville", explique Barbara Sieczkowska, qui vend dans sa boutique des produits polonais. "Mais il y a trop de gens d'Europe de l'Est maintenant. Il doit y avoir une vingtaine de magasins qui ont les mêmes produits que moi. C'est pas bon pour le commerce".
22 fév 2013, Katy LEE
Source : AFP