jeudi 4 juillet 2024 20:11

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«La défense des sans-papiers fut l'un de ses nombreux combats»

Été 1996. L’occupation de l’église Saint-Bernard, à Paris, par plusieurs centaines de sans-papiers maliens et sénégalais, déclenche un très dur bras de fer avec les pouvoirs publics. Henri Coindé, 80 ans, était le curé de Saint-Bernard à l'époque. Il se souvient de sa relation avec Stéphane Hessel, alors membre du collège des médiateurs chargé de faire le lien avec le ministre de l’Intérieur, Jean-Louis Debré.

«Stéphane Hessel était un grand monsieur, un homme de paix qui a beaucoup favorisé le dialogue entre les sans-papiers et les pouvoirs publics. Durant cette période de tensions et de difficultés, où j'étais sous pression, il a été très rassurant. Je l’ai vu pour la première fois le lendemain ou le surlendemain de l’occupation de l’église. Il était habité par la tolérance et le souci de permettre aux gens de dialoguer. Mais cela ne l’empêchait pas de garder ses convictions et de rester très ferme sur ses principes. Il se battait pour obtenir des régularisations et pour que les familles ne soient pas séparées. A ses yeux, les décisions d’expulsion contre les hommes n'était pas humaines.

«Je me souviens d’une scène en particulier, à l’intérieur de l'église. En tant que président du collège des médiateurs, Stéphane Hessel venait rendre compte aux sans-papiers des discussions avec les pouvoirs publics. Il est alors interpellé, sur un ton un peu injurieux, par un jeune Malien, qui affirme que les négociations ne servent à rien. Il ne savait sans doute pas à qui il avait affaire ! Babacar Diop, porte-parole des sans-papiers, prend alors la parole : "Tu ne peux pas parler comme ça à Monsieur Hessel !" Lui était resté très stoïque, sans rien dire. C'était un diplomate de formation, il avait l’habitude de négocier.

«Il était toujours très déférent par rapport à moi. J'étais d’ailleurs un peu surpris. Parce que j'étais curé, il croyait qu’il devait avoir des égards particuliers envers moi.  Il en imposait par sa stature et la manière dont il parlait. Il ne tutoyait jamais les gens, ne faisait pas preuve de condescendance.

«Je l’ai revu quelques semaines plus tard, lors des Assises de l’immigration. Il a exposé ses valeurs humanistes. A ses yeux, la Terre était à tout le monde et les frontières n'étaient que des lignes que les hommes dressent entre eux. Il a gardé les mêmes positions jusqu’au bout. Il ne défendait pas les régularisations systématiques, mais il disait que les gens en France depuis des années ne pouvaient pas être dans l’illégalité. Il se battait contre les lois Pasqua, qui étaient rétrogrades. Mais son combat n'était pas celui d’un homme seul. Même s’il était emblématique, Stéphane Hessel répétait qu’on était tous responsables. Il avait conscience qu’il fallait que d’autres se lèvent et se mobilisent.

«La défense des sans-papiers fut l’un de ses combats, parmi beaucoup d’autres. Derrière lui s’est organisée la résistance à des législations toujours plus restrictives. J’ai toujours été étonné par la combativité d’un homme de son âge. Il avait une force de persuasion, une capacité à faire se lever les gens. Après l’abbé Pierre, après Stéphane Hessel... reste-t-il aujourd’hui d’autres figures aussi emblématiques ?»

27 février 2013, Sylvain Mouillard

Source : Libération

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