Le Conseil d’Etat a rendu le 13 février 2013 un avis d’une grande importance pour les praticiens du droit des étrangers en général, et des recours contre les refus de titres de séjour et les Obligations de quitter le territoire (OQTF) en particulier.
Dans cet avis le Conseil d’Etat vient préciser que lorsqu’un préfet prononce contre un étranger une Obligation de quitter le territoire (OQTF) à la suite d’un refus implicite de titre de séjour, cette décision portant OQTF doit obligatoirement être motivée.
Pour comprendre l’intérêt de cet avis, un rappel de la pratique et du droit applicable jusque là s’impose.
Dans la rédaction de la loi du 24 juillet 2006 relative à l’intégration et à l’immigration, l’article L.511-1-I du ceseda prévoyait grosso modo que le préfet qui refusait un titre de séjour à un étranger, pouvait assortir cette décision de refus d’une OQTF.
Dans un avis contentieux n°311893 du 28 mars 2008, le Conseil d’Etat en avait déduit qu’il résultait de ces dispositions que le préfet ne pouvait prendre une mesure d’OQTF à l’encontre d’un étranger sans lui avoir dans la même décision, refusé de façon explicite un titre de séjour ; ce qui signifiait qu’un refus de séjour dans un délai de 4 mois (refus implicite), ne pouvait servir de base à une Obligation de quitter le territoire.
En 2011, la loi du 16 juin sur l’immigration est venue modifier l’écriture de l’article L.511-1 du Ceseda.
Il résulte en effet des nouvelles dispositions que l’administration est désormais susceptible de prononcer une OQTF, sans que cette mesure d’éloignement se fonde sur un refus de séjour.
Autrement dit, une OQTF peut être prise contre un étranger après un refus implicite de titre de séjour, refus qui se caractérise au bout de 4 mois de silence gardé par l’administration.
Si l’article L. 511-1 du ceseda prévoit par ailleurs qu’une OQTF doit être motivée, il reste que la loi prévoit également la décision d’OQTF n’a pas à faire l’objet d’une motivation différente de celle de la décision de refus de séjour.
Dans la pratique, lorsqu’une administration est saisie d’une demande de titre de séjour, elle statue le plus souvent de manière explicite et la motivation du refus de séjour sert alors également de motivation à l’OQTF subséquente.
La question que l’on était en droit de se poser est de savoir quel est le régime de la motivation d’une OQTF reposant sur un refus de titre de séjour implicite qui par définition n’est pas motivé.
C’est dans ce sens que la Cour administrative d’appel de Nantes a interrogé le Conseil d’Etat pour savoir si un refus implicite de titre de séjour par l’administration en application de l’article R.311-12 du Ceseda, peut servir de base légale à une obligation de quitter le territoire (OQTF) prise sur le fondement du 3° du I de l’article L.511-1 du même code.
A cette question, le Conseil d’Etat a répondu par un avis positif à la condition que l’OQTF fondée sur un refus implicite fasse l’objet d’une motivation.
07-03-2013, Alain Henri ENAM
Source : Juirtravail