Un parterre d'écrivains ont décortiqué, samedi soir à Casablanca, le rôle de la littérature dans la préservation de la mémoire africaine, lors d'une table ronde organisée par le Conseil de la Communauté Marocaine à l'Etranger (CCME) sous le thème littérature, mémoire et usages du passé , dans le cadre du 19ème Salon International de l'Edition et du Livre (SIEL), tenu à Casablanca.
Appuyant l'idée formulée par l'écrivain guinéen Tierno Monénembo, selon laquelle l'histoire est une comédie où on cache ceci pour montrer cela , Eugène Ebodé, écrivain camerounais, revient sur la déclaration de l'indépendance américaine, qui avait souligné que tous les hommes jouissent des mêmes droits fondamentaux, à savoir la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Or, et "c'est là ou le bât blesse, les noirs se trouvaient constamment menacés de morts, étaient enfermés dans les fers de l'esclavage et ne pouvaient pas être à la recherche du bonheur dans l'état où ils se trouvaient", relève Ebodé.
D'où l'intérêt du livre écrit par Ebodé et présenté dans le cadre de cette table ronde, « La rose dans le bus jaune », qui raconte l'histoire de Rosa Parks, une couturière de 42 ans vivant à l'Alabama qui s'était révoltée contre la ségrégation et la discrimination en refusant, en 1955, de céder sa place à un passager blanc dans un bus.
L'essayiste française, Rokhaya Diallo, souligne que l'arrestation de Rosa Parks, pour avoir refusé de céder sa place, a été à l'origine d'un mouvement de boycott des populations noires de ces moyens de transports, et c'est au moment où les compagnies de transport se sont rendues compte que l'impact économique était énorme qu'ils ont commencé à faire pression sur les gouverneurs, ce qui a abouti à l'obtention de leurs droits .
De ce fait, l'idéologie raciste est alimentée par une motivation "économique et intéressée", ajoute Mme Diallo, qui a appelé à la destruction des structures racistes , à l'image de la conception faite autour des esclaves évoqués comme des êtres passifs et qui ne font preuve d'aucune résistance , tandis que l'histoire rapporte des cas de mutineries sur les bateaux (embarquant les esclaves) et de gens qui se sont jetés par-dessus bord. Il est important que les populations les plus marginalisées sachent que leurs parents se sont opposés à une histoire qui a été tragique pour eux et pour leur descendance .
L'histoire est ainsi le produit du mythe inventé par les personnes qui sont au pouvoir , considère M. Monénembo, pour qui l'Afrique noire a du mal à se décoloniser. Dans le contexte colonial, martèle-t-il, c'est le maître blanc qui faisait l'histoire des colonies, et les produits intellectuels africains eux-mêmes sont des reproductions des schémas intellectuels, philosophiques et géopolitiques des colonisateurs.
Romuald Fonkoua a, de sont cô té, dénoncé un déficit de travail intellectuel , qui fait de la littérature coloniale le chainon manquant de la littérature française aujourd'hui.
Eugène Ebodé estime que la littérature permet de nouer des conversations avec le future, et dans ces conversations-là, il est des thèmes qui nous sont chers, comme ceux de la justice, de l'égalité et du droit .
La terre d'Afrique, souvent divisée, atomisée et en guerre contre elle-même, pourrait renouer avec des conversations utiles a-t-il conclu.
Cette rencontre a été également l'occasion de présenter le livre de Tierno Monénembo, « Le terroriste noir ».
31 mars 2013, Mustapha Sguenfle
Source : MAP