L'identité est-elle une donne permanente ou est-ce la résultante d'une dynamique qui met en interaction plusieurs éléments?
Telle était la question qui a focalisé l'intérêt d'un parterre d'intellectuels lors d'une rencontre organisée dimanche à Casablanca par le Conseil de la Communauté Marocaine à l'Etranger (CCME), dans le cadre du 19ème salon international de l'Edition et du Livre (SIEL).
Le professeur de philosophie Ali Benmekhlouf place la question de l'immigration dans ce qu'il appelle "la fragmentation des demandes sociales de reconnaissance", idée selon laquelle "des populations se trouvent dans plusieurs pays durant une période limitée et doivent inscrire, en leur identité, ce que leur impose l'adaptation à leurs milieux" .
Mais alors, comment concilier identité et désir de l'altérité? Comment être soi-même mais satisfaire cette étrangéité qui nous habite?
Selon le professeur universitaire Abderrahman Tenkoul, la construction identitaire s'effectue "par rapport à un dehors". Les jeunes filles marocaines qui, par exemple, portent le hijab, dira-t-il en réfèrent à "un monde de l'extranéité" , qui ne correspond pas à la manière d'être de chez soi. Il en va de même des jeunes qui jouent de la musique empruntant les rythmes des Caraïbes.
Si l'enjeu d'aujourd'hui est celui de comment se positionner dans l'extranéité, il est avéré que nous sommes complémentaires les uns par rapport aux autres, précise M. Tenkoul, qui rappelle que la réalité d'aujourd'hui est composite et complexe.
Dès lors que se pose la question de la pleine citoyenneté partout, c'est-à-dire dans le pays d'origine ou le pays d'accueil, l'obstacle à dépasser consiste à reconnaitre des droits entiers aux personnes là où ils résident. De ce point de vie, Abderrahman Tenkoul préfère parler de pratique citoyenne plutôt que d'opinion sur la citoyenneté.
Dans ce sens, l'experte en droit international, Agnès Venema, pense que les représentants d'une communauté étrangère installée dans tel ou tel pays d'accueil doivent saisir leurs parlementaires des enjeux spécifiques auxquels ils font face afin qu'ils viennent défendre leurs intérêts. Le parlementaire, selon Venema, est appelé à intervenir pour apporter aide et soutien à sa communauté.
Mme Venema cite le cas des Sikhs, indous migrants en Angleterre, dont la voix s'est fait entendre dans le parlement anglais grâce à un engagement des parlementaires indiens.
En définitive, quand on réfléchit sur l'identité, on a toujours une illusion d'une fixité. Or les migrations sont précisément des éléments d'interaction et de dynamisme qui remettent en cause l'idée qu'il y aurait une permanence quelconque ou de l'individu ou de la communauté, a déclaré Ali Benmekhlouf à la MAP à l'issue de cette table ronde organisée sous le thème "migrations, identités et enjeux internationaux" .
L'identité n'est, de ce fait, pas fixe, et est en interaction avec les facteurs extérieurs, a indiqué à la MAP le secrétaire général du CCME, Abdellah Boussouf, appelant à ce que l'action politique contribue à l'amélioration de l'espace de cohabitation et à l'évolution positive des mutations identitaires.
1er avril 2013, Mustapha Sguenfle
Source : MAP