jeudi 4 juillet 2024 22:23

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France : les immigrés stimulent la croissance

L'immigration légale revient au Parlement le 17 avril. Un débat qui promet d'être houleux. Enjeux-Les Echos l'amorce avec les résultats de l'étude de trois économistes sur la contribution des migrants à la croissance.

300 millions d'euros par an

Les résultats de leur étude sont on ne peut plus probants. Les chercheurs ont en effet mis en évidence un « taux d'élasticité positif et significatif ». En clair cela signifie que pour la période considérée (1994-2008), lorsque le taux de migration (nombre de migrants rapporté à la population totale) augmentait de 1%, alors le PIB par habitant augmentait lui d'environ 5 euros par personne et par an. A l'unité, cette somme peut sembler faible, mais multipliée par les 67 millions d'habitants de l'Hexagone, on obtient un gain de 300 millions d'euros. Plus précisément encore, les économistes ont calculé ce taux d'élasticité par catégorie de migrants.

Effet positif des migrants familiaux

Or, à rebours des perceptions immédiates, c'est l'arrivée des migrants familiaux qui provoque l'effet positif significatif sur le PIB par tête. Autrement dit, les femmes, qui forment la majorité de cette catégorie, non seulement travaillent, mais ajoutent à la richesse des Français. En revanche, l'effet de la migration des travailleurs sur la croissance, dont on aurait pu spontanément supposer qu'il serait visible... ne l'est pas. « Non significatif », estiment les économistes. Autrement dit, « on ne peut pas conclure ». « C'est ce qui arrive parfois lorsque les effectifs sont faibles, ce qui en l'occurrence est le cas pour la migration de travail », explique Hippolyte d'Albis.

Un PIB en croissance joue comme un aimant

Inversement, et pour valider leurs modèles, les chercheurs ont également mesuré l'effet attractif ou repoussoir que les conditions macroéconomiques sur le territoire pouvaient avoir sur l'immigration. Et de fait, un PIB en croissance joue comme un aimant sur l'ensemble des catégories de migrants, ainsi que catégorie par catégorie (migration de travail et migration des familles). La conjoncture a donc un effet procyclique sur les mouvements de population. En revanche, la corrélation entre taux de chômage et flux de migration se révèle muette, ne permettant pas de conclure à un effet positif ou négatif. De même, les résultats ne savent pas dire si l'effet procyclique d'un PIB en croissance est dû à des changements des politiques migratoires (restriction ou encouragement) consécutifs au climat macroéconomique ou à l'ajustement spontané des migrants.

Bénéfices : la France au dessus de la moyenne de l'OCDE

Dernier point, les comparaisons internationales. Hippolyte d'Albis et ses coauteurs concluent que « la migration semble plus favorable à l'activité économique en France que pour la moyenne des pays de l'OCDE ». Les chercheurs ne s'avancent pas au-delà car, hormis l'Australie et la Nouvelle-Zélande, rares sont les pays qui disposent de séries statistiques assez longues pour mener des études similaires. La procédure habituelle pour établir des comparaisons à partir d'une base de données importante est donc de mêler les séries courtes ou incomplètes de plusieurs pays comparables en termes de population et structure économique. Inconvénient majeur de cette méthode : elle ne livre que des moyennes. C'est dire le caractère novateur de l'étude de ces trois chercheurs et la puissance de leurs résultats.

METHODOLOGIE La base : les titres de séjour

Les données sur lesquelles les chercheurs ont basé leur étude, ce sont « les titres de séjour de plus d'un an accordés entre 1994 et 2008 aux étrangers en provenance des pays tiers et décomposés par motifs d'admission. » Les chercheurs ont travaillé sur le nombre réel d'autorisations de séjour long (et parfois de travail) attribuées à des ressortissants non européens établi par l'Ined après retraitement des statistiques du ministère de l'Intérieur. Ces données se distinguent par leur exhaustivité contrairement à celles obtenues par des enquêtes. Surtout, elles dénombrent des flux alors que la plupart des études précédentes devaient se contenter d'un chiffrage en stock (nombre d'étrangers présents à une date donnée). Ces statistiques permettent également de décomposer les entrées par motifs d'admission. Pour les besoins de l'étude, les économistes les ont regroupées en trois catégories.

Trois catégories de migrants

La première concerne les migrants qui se sont vus accorder un titre de séjour d'au moins un an pour motif de travail, soit 4 300 à 20 800 titres par an et 7,6% en moyenne du total des titres délivrés ; des hommes en grande majorité (68%). La deuxième dénombre les migrants autorisés à entrer en France pour motifs familiaux -en majorité des femmes. En font partie les « conjoints d'étrangers » (au titre du regroupement familial), les « conjoints de Français » et « ascendants et descendants de Français ». Ces deux motifs représentent en moyenne 27% des autorisations, soit 10 800 à 57 100 titres par an. Cette catégorie regroupe aussi les titres pour le motif « vie privée et familiale » (les familles accompagnant des travailleurs avec un titre de séjour d'un an et plus, tels que les bénéficiaires des cartes « compétences et talents » ou les scientifiques). Ces titres de séjour donnent accès au marché du travail. La dernière catégorie comptabilise les autres migrants : notamment les étudiants (17 700 à 51 300 titres par an) ; ils ont le droit d'avoir un emploi à temps partiel. Les visiteurs sont souvent des demandeurs qui ont des liens de famille avec les résidents ; ils n'ont pas accès au marché du travail. Les retraités (motif créé en 2004) n'ont pas le droit de travailler, mais les régularisés et les réfugiés le peuvent.

Un modèle basé sur les travaux de deux Nobel d'économie

Ces chiffres ont été ensuite passés à la moulinette de modèles économétriques qui permettent d'évaluer l'effet d'une variable sur une autre. Ces modèles VAR, pour vectoriels autorégressifs, qui ont valu à Christopher Sims et à Thomas Sargent le prix Nobel d'économie en 2011, sont très souvent utilisés en macroéconomie pour mesurer, par exemple, l'impact de la hausse des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires sur la croissance. Hippolyte d'Albis et ses coauteurs les ont utilisés pour mesurer l'impact de l'immigration extra-européenne légale sur le PIB français par habitant (mesuré à travers les séries mensualisées de l'Insee). Cet indicateur est plus fin que le PIB lui-même. En effet, le niveau global de richesse peut augmenter à population inchangée (productivité) ou mécaniquement, parce que les nouveaux arrivants y apportent leur propre part. En revanche, si le PIB par tête augmente, c'est que la contribution de la population nouvelle est supérieure à la contribution moyenne.

Les réactions de l'UMP (Jean-François Copé), du FN (Marine Le Pen) et du PS (David Assouline) aux résultats de cette étude.

Peut-on mesurer l'effet de l'immigration sur les comptes sociaux ?

Soit, l'immigration contribue à l'augmentation du PIB par habitant. Mais qu'en est-il de son effet sur les comptes sociaux (retraite, santé) ? La réponse lapidaire serait de rappeler que les comptes sociaux étant une des composantes du PIB, cet impact positif ou négatif, s'il existe, est pris en compte dans l'étude globale. Mais, de fait, cette recherche ne distinguant pas l'effet de l'immigration sur les grands agrégats qui composent le PIB, la question reste posée: les migrants compensent-ils leur «coût social»? En 2004, Jacques Bichot, professeur à l'université Jean Moulin (Lyon 3), avait estimé à «8milliards le coût annuel net de l'immigration pour le système français de protection sociale», en se fondant sur le chiffre estimé de 1 million d'immigrés et enfants d'immigrés (hors Union à Quinze) inactifs ou au chômage. En 2010, Xavier Chojnicki et Lionel Ragot, chercheurs associés à la chaire « Transitions démographiques, transitions économiques » animée par Jean-Hervé Lorenzi, ont élargi la focale et montré que « la contribution nette globale de l'immigration au budget des administrations publiques serait positive et de l'ordre de 3,9 milliards d'euros pour l'année 2005. » Moins qualifiés et plus exposés aux aléas de la conjoncture, les migrants contribuent en effet moins que les autochtones aux régimes sociaux durant leur vie active, mais une fois à la retraite ils coûtent aussi moins, le solde annuel global devenant alors positif.

04/04/2013, Pascale-Marie Deschamps

Source : Les Echos.fr

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