L'Arabie Saoudite, jusqu'ici grande pourvoyeuse de fonds pour travailleurs immigrés peu qualifiés, ne sera bientôt plus la poule aux œufs d'or. Près de deux millions d'Indiens pourraient en faire les frais.
En Inde, le premier état à s'être ému de cette nouvelle donne est le Kerala (sud-ouest). Et pour cause. Sur les quelque 2 millions d'Indiens employés en Arabie Saoudite, 576.000 viennent de cette région verdoyante où, mis à part le tourisme, les industries sont rares. Sur la côte Est, l'Andra Pradesh fournit aussi son lot de « cols bleus » au Royaume wahhabite. Ils sont éboueurs, maçons etc. Les mieux lotis font chauffeurs de taxi. A quelque 3,5 milliards de dollars par an, la quantité d'argent qu'ils envoient en Inde est impressionnante. Il s'agit du plus important transfert de devises en provenance d'un pays unique. Il suffit de sillonner le Kerala pour s'en rendre compte. Les villas cossues aux couleurs criardes poussent comme des champignons au milieu des cocoteraies, où elles jurent parfois avec l'habitat traditionnel. Au cours des dernières années, les mosquées flambant neuves ont, elles aussi, fleuri dans le petit état du sud.
On comprend la préoccupation des autorités indiennes. Selon certaines sources, Delhi pourrait demander à Riyad d'étaler son programme de « saoudisation »du marché du travail. « D'après ce que l'on sait, 340.000 firmes en Arabie Saoudite n'ont pas un seul employé saoudien. Si, avec la loi du Nitaqat, 2 à 3 Saoudiens sont embauchés dans chacune d'entre elles, cela entraînera le déplacement de 500.000 à 1 million d'expatriés, à moins que d'autres postes de travail ne soient créés parallèlement », relève A. Didar Singh, Secrétaire général de la Fédération Indienne des Chambres de Commerce et d'Industrie (FICCI).
« Les Saoudiens ne sont pas habitués à travailler comme les Indiens. C'est très cher d'employer un Saoudien. Mais les chefs d'entreprises seront contraints d'embaucher un Saoudien qui travaillera huit heures par jour et sera payé 10% de plus que les Indiens. Les entreprises pourraient bien être obligées de garder des Indiens meilleur marché et plus efficaces, qui travaillent 15 heures par jour », raisonne de son côté C.P. John, l'un des responsables du State Planning Board du Kerala, espérant que Riyad adoucira le "Nitaqat".
5 avril 2013, Marie-France Calle
Source : Le Figaro