Frère Tomas Gonzalez, un franciscain plus connu comme le frère "Tempête", tient un mégaphone dans la main droite, à la tête d'une manifestation au sud du Mexique. "Tout ce que subissent les migrants est fait avec l'autorisation des autorités mexicaines. Nous pouvons parler d'une alliance du crime organisé avec l'Etat mexicain", lance-t-il.
Tenosique, près de la frontière avec le Guatemala, est le point de départ du train de marchandise surnommé "La Bête" qu'empruntent chaque année des milliers de migrants, la plupart venus d'Amérique centrale, pour rejoindre les Etats-Unis, après un voyage de tous les dangers à travers le Mexique.
C'est là que Gonzalez a fondé une auberge d'accueil pour ceux qui viennent de passer la frontière, et qui ont besoin d'un lieu ou dormir et un plat de nourriture avant d'entreprendre leur parcours parsemé d'obstacles vers le nord.
Chaque jour, quelque 150 étrangers passent la porte de l'auberge, dénommée "La 72", en hommage aux 72 migrants latino-américains exécutés par le cartel des Zetas dans un ranch de l'Etat du Tamaulipas, au nord-est du Mexique en 2010, pour avoir refusé d'être recrutés par le groupe criminel le plus sanguinaire du pays.
"Quand nous savons qu'un agent des services de migration frappe, maltraite, viole, pourchasse brutalement un migrant; quand on nous dit que des criminels, en complicité avec les autorités, lui ont extorqué 100 dollars pour le laisser partir à la recherche d'une vie meilleure aux Etats-Unis, nous ne pouvons nous taire. Nous devons hausser la voix", dit à l'AFP le religieux.
Hausser la voix dans cette zone du Tabasco, l'Etat mexicain où on compte le plus d'enlèvements de migrants, a valu au Frère Tomas plusieurs menaces de mort de la part de ceux qui veulent le réduire au silence.
Le 17 mars, des membres d'un groupe criminel ont intercepté un migrant sans-papier pour le prévenir que la nuit même il allaient "avoir la tête du père et de tous ceux qui parlent", raconte les bénévoles de l'auberge.
"Ils ont dit que leur chef était très contrarié parce que plusieurs de leurs compagnons avaient été mis en prison et qu'ils étaient en train de préparer quelque chose depuis le Honduras pour me tuer", racontre le Frère Tomas.
Depuis ce jour, "La 72" a renforcé ses protocoles de sécurité et est surveillée par la police. "Ca ne résoud pas le problème, mais cela inhibe un peu les criminels", reconnaît Ruben Figueroa, un militant de la défense des migrants, lui aussi menacé récemment en pleine rue.
"Ici les gens sont très bons. Avec tant de dangers, on se sent en sécurité ici", dit à l'AFP Javier, un musicien guatémaltèque de 27 ans, qui va tenter pour la troisième fois de gagner les Etats-Unis.
"Je suis un être humain. Je suis préoccupé pour mon équipe, peur de perdre la vie. C'est très humain, mais évidemment je vais rester ici. Nous me partirons pas. Nous ne fermerons pas", assure le frère Tomas.
Mais le danger ne vient pas que des groupes criminels, qui se rendent coupables chaque année de quelque 20.000 enlèvements de migrants au Mexique.
L'an passé, des membres de l'armée et de la police ont également brutalisé le Frère Tomas et Figueroa avant de les arrêter.
"Nous avons été calomniés, diffamés, on nous a dit que nous défendions des délinquants, que nous affrontions les autorités. Nous ne faisons que tenter de vivre l'évangile de manière radicale", dit frère Tomas.
Faire face aux menaces "n'est pas un travail pour tout le monde. On doit y être préparé physiquement et spirituellement", reconnaît le religieux qui consacre chaque jour une heure à la prière et 45 minutes à la culture physique.
Il s'est senti conforté dans sa tâche ces derniers temps par les messages du nouveau pape.
"Aider les sans papiers n'est pas un délit. C'est une action de grâce. Le pape François nous a rappelé que notre mission était d'être avec les pauvres", souligne le frère "Tempête".
07 avr 2013
Source : AFP