mardi 5 novembre 2024 17:20

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Le Conseil de l'Europe somme Athènes de faire face au "danger" d'Aube dorée

Inquiet de la situation en Grèce, le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Nils Muiznieks, a livré un rapport très politique, mardi 16 avril, sur l'augmentation du racisme et des crimes racistes, en pointant la faiblesse des réponses apportées à la montée du parti néonazi Aube dorée. "Les Grecs doivent comprendre qu'il ne s'agit pas d'un parti normal et qu'il faut prendre des mesures avant qu'il ne devienne plus dangereux", explique M. Muiznieks dans un entretien au Monde.

Pour lui, le gouvernement doit affronter la question de l'interdiction pure et simple du parti néonazi Aube dorée, qui a obtenu près de 7 % des voix aux élections de juin 2012 et compte 18 députés. "Il faut procéder par étapes. D'abord, sur le plan individuel, en poursuivant et en condamnant avec une plus grande vigueur les crimes racistes et l'appel à la haine raciale, venant de membres d'Aube dorée. Ensuite, on peut envisager des actions au niveau collectif. Il y a des moyens légaux pour interdire un tel parti. La Constitution grecque prévoit qu'un parti doit "servir le libre fonctionnement d'un système démocratique", ce qui n'est pas le cas d'Aube dorée."

Dans sa réponse au rapport du commissaire, le gouvernement rappelle que la Constitution, après la chute de la dictature en 1974, était destinée "à éviter les interventions législatives et judiciaires dans le fonctionnement libre des partis politiques".

"Les fondements démocratiques sont attaqués"

"La Grèce peut surtout utiliser les traités internationaux qu'elle a ratifiés et qui peuvent lui permettre d'obtenir une telle interdiction", réplique M. Muiznieks. Il explique dans son rapport que la Cour européenne des droits de l'homme permet "l'imposition de sanctions proportionnées sur des individus et l'interdiction, si nécessaire, de partis comme Aube dorée, dont de nombreuses preuves montrent qu'ils appellent et participent à des actes de violence, incitent à la haine et s'opposent aux principes de base de la démocratie".

Pour lui, les responsables politiques, et plus généralement la société grecque, ne savent pas comment réagir au phénomène d'Aube dorée. "Il y a une prise de conscience croissante du danger que représente Aube dorée. J'ai rencontré des gens qui sont prêts à y faire face, mais ils sont perdus et ne savent pas comment faire. Un bon exemple de ce désarroi est le fait que le Parlement ait accepté que des députés d'Aube dorée viennent à l'Assemblée avec une arme. Les médias doivent veiller à ne pas leur donner de la publicité gratuite, en mentionnant à chaque fois que ce n'est pas un parti normal. Il faut agir, maintenant, car cela deviendra plus difficile quand ils auront pleinement profité des avantages que leurs procurent leur statut de parlementaire avec davantage de moyens et un libre accès aux médias."

M. Muiznieks ajoute : "Il faut faire comprendre que la violence raciste d'Aube dorée n'est pas comparable à celle d'un parti anarchiste par exemple. Elle s'attaque au fondement démocratique en refusant la notion d'égalité."

Usage systématique du délit de faciès par la police

Au-delà d'Aube dorée, il regrette, dans son rapport, qu'une "rhétorique stigmatisant les migrants a été largement utilisée par les politiciens grecs", ce qui "renforce l'influence des parties comme Aube dorée". Il cite le premier ministre Antonis Samaras, parlant de "récupération" des centres-villes "occupés" par les immigrés. Quant au ministre de l'ordre public, Nikos Dendias, il a déclaré : "Jamais, depuis l'invasion des Doriens il y a 4 000 ans, le pays n'a été sujet à une invasion de cette dimension. C'est une bombe placée dans les fondations de la société et de l'Etat."

Le rapport fustige également le comportement de la police en dénonçant ses rapports avec le parti néonazi et relève l'usage systématique du délit de faciès et des cas de violence subis par les immigrés dans les locaux de la police. Il reproche aussi la lenteur de la justice et sa clémence à l'égard des actes de racisme.

Le commissaire aux droits de l'homme veut tirer la sonnette d'alarme. "J'ai rencontré plusieurs personnes qui m'ont expliqué que ces phénomènes de violences raciales restaient marginaux et que les Grecs n'étaient pas racistes et avaient le sens de l'accueil. Mais les statistiques montrent qu'il y a une montée des agressions et je leur répondais : Si vous n'êtes pas racistes, prouvez-le, en combattant efficacement les crimes racistes et la haine raciale."

16.04.2013, Alain Salles

Source : LE MONDE

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