vendredi 22 novembre 2024 09:17

La Cimade dénonce les pratiques "absurdes" de la politique d'expulsion

Dix-huit Marocains arrêtés à quelques mètres de la frontière espagnole. Billet de retour en poche, bagages à la main, ils l'ont été alors qu'ils rentraient vers le Maroc. C'est une des illustrations des "dérives" et "absurdités" de la politique gouvernementale dont s'alarme la Cimade. Cette association, à ce jour seule habilitée à intervenir dans les centres de rétention administrative (CRA), a présenté, jeudi 29 octobre, son rapport annuel 2008.

Les centres de rétention frontaliers regorgent de migrants arrêtés comme ce groupe de Marocains sur le chemin du retour. Parce qu'il s'agit de faire du chiffre, pour être dans les objectifs. "Des touristes font eux aussi les frais de cette obsession", souligne la Cimade qui a aussi rencontré, dans les CRA, des étrangers vivant régulièrement dans un autre pays de l'Union européenne venus visiter un proche.

POLITIQUE DU CHIFFRE

En 2008, 32 268 personnes ont été placées en rétention. Un tiers a été présenté à l'embarquement d'un avion pour être expulsé. Très souvent vers un autre pays européen. En effet, près d'un tiers des reconduites effectives réalisées depuis les CRA concerne des étrangers renvoyés, en vertu du règlement européen Dublin II, vers un Etat voisin par lequel ils ont transité. "Autant de personnes qui risquent fortement de revenir", note Damien Nantes, un des responsables de l'association.

Si l'on connaît l'objectif d'expulsion que se fixe le gouvernement chaque année (27 000 en 2009), aucun chiffre officiel n'a jamais été communiqué sur le coût de cette politique. La Cimade a calculé qu'elle s'élève à plus d'un demi-milliard d'euros (533 millions). Pour arriver à ce résultat, l'association s'est appuyée sur un rapport sénatorial et une étude de la Cour des comptes sur la gestion des CRA. Ainsi, chaque expulsion (20 000 en 2008) coûterait 27 000 euros.

Une "somme considérable" qui témoigne, pour la Cimade, des "moyens démesurés et disproportionnés" employés pour atteindre des objectifs d'expulsion planifiés chaque année.

Au-delà de ses aspects "coûteux" et "à bien des égards inefficaces", l'application de cette politique, insiste-t-elle, "entraîne nécessairement une réduction des droits des étrangers et des atteintes graves aux droits fondamentaux de la personne humaine".

Les conditions d'accueil en rétention (à l'exception de l'outre-mer) se sont pourtant améliorées au fil des ans. En 2005, l'Etat s'est engagé dans un vaste plan triennal de rénovation des CRA. L'objectif étant de faire passer de 1000 à 2700 le nombre de places, "tout en étant irréprochable sur la qualité de leur accueil pour pouvoir légitimer un objectif quantitatif d'éloignements" de sans-papiers.

Source : Le Monde


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